Il n’y a pas si longtemps, l’économie se résumait pour l’essentiel à la création de valeur ajoutée. Des intrants entrent dans un processus de fabrication et de transformation et sortent de ce processus «transformées» comme un produit fini, en optimisant capital financier et ressources humaines. Cette économie dans une logique de pipeline créait de la valeur en passant d’une étape à l’autre du processus de transformation. D’où l’appellation de chaîne de valeur popularisée par le célèbre professeur Michael E. Porter.
Aujourd’hui, on assiste de plus en plus à une nouvelle forme d’économie dans laquelle interagissent une variété d’acteurs complémentaires mettant aux prises des producteurs, des consommateurs, des plateformes. Des échanges à haute valeur ajoutée se tiennent entre producteurs, consommateurs et autres facilitateurs. On est dans le cas d’une économie de plateforme. La colonne vertébrale de cette économie est Internet et les réseaux qui démultiplient les accès d’intervenants pour lesquels la distance n’est plus un handicap, réduisant ainsi l’asymétrie d’informations qui prévalait fortement dans l’économie précédente.
Toutes les «plateformes» numériques fonctionnent sur ce principe mettant en relation producteurs et consommateurs dans des échanges à valeur ajoutée et en se rémunérant sur les places de marchés ainsi mises à disposition. Un des exemples les plus marquants de cette économie est l’App Store d’Apple. Début des années 2000, Apple ne réalisait pas 5% du chiffre d’affaires du secteur qui était alors dominé par Nokia, Alcatel, Sony, BlackBerry. Dix ans plus tard, Apple avec sa plateforme App Store réalise plus de 90% des marges du secteur. Ce n’est pas que Nokia, Alcaltel ou BlackBerry n’aient pas un bon service marketing, ou n’optimisent pas leurs processus. Mais cela vient du fait que Apple a su tirer partie de l’économie des plateformes en créant une place de marché dans laquelle des concepteurs d’applications rencontrent des consommateurs de ces applications et que Apple tire bénéfice de chaque application ainsi vendue sur sa plateforme. Pour information Apple a distribué pas moins de 25 milliards de dollars aux concepteurs d’applications l’année dernière.
C’est dire que la capacité à créer des plateformes, à les animer et à les rendre attractives constitue une nouvelle arme stratégique pour les entreprises.
À cet égard, il y a un champ immense à explorer pour les entreprises africaines, à commencer par les opérateurs de télécommunications. Songez qu’il y a moins de 20 ans, le taux de pénétration du téléphone était d’à peine 1% sur le continent. Aujourd’hui, ce taux atteint 80%. Et dans certaines villes, il avoisine les 100%.
Parallèlement, le taux de bancarisation est en moyenne de 25%. Il y a donc des océans «bleus» immenses qui s’ouvrent aux entrepreneurs numériques notamment, pour tirer parti de l’écart entre ces deux taux, en offrant des services à forte valeur ajoutée en s’appuyant sur la population déjà connectée, mais pas forcément bancarisée. L’exemple de M-PESA au Kenya, par lequel transitent 90% des paiements de toutes sortes, est parlant.
La vitalité créatrice de nos jeunes Africains trouve là un espace d’expression à la hauteur de leur talent !

Par Alioune Gueye