«L’ avenir de notre continent est dans l’ agrobusiness »

Dans cet entretien qu’il nous a accordé, Abdourahmane Diallo, un jeune agripreneur guinéen explique les raisons qui l’ont poussé à s’investir dans l’agriculture, tout évoquant au passage les obstacles et les difficultés qu’il rencontre sur le terrain. Il ne passe non plus sous silence ses perspectives dans l’agrobusiness.

Abdourahmane Diallo, qu’est qui motive ton choix d’investir dans l’agriculture?
Le retour au travail de la terre n’a pas été un choix fortuit pour moi. Je suis fils d’un propriétaire terrien qui, par manque de moyens et de ressources, a du abandonner des centaines de terres arables en jachère. Ensuite, c’est l’opportunité économique qui a renforcé cette motivation. Le continent africain sera dans les 20 prochaines années, le continent le plus peuplé et de loin devant la Chine. Et il faudra bien nourrir toutes ses bouches supplémentaires. Donc un important marché commercial à approvisionner au vu des millions de terres agricoles que possèdent la Guinée et l’Afrique. L’avenir de notre continent est dans l’agrobusiness. Et ceux qui le comprendront très vite feront l’Afrique de demain.

Quel est ton business model?
L’agriculture demande d’importantes ressources financières. Pour mobiliser les fonds, nous avons fait une levée de fonds et je crois que c’est le premier crowfunding agricole en Guinée. Nous possédons les terres, il faut trouver les ressources financières pour relancer les exploitations. Nos investisseurs mettent leurs épargnes dans une coopérative qui produit et leur reverse les bénéfices de l’exploitation. Du point de vue commercial, nous voulons nous positionner sur toute la chaîne de valeur agricole, de la production, à la transformation en produits à valeur ajoutée.

Quels sont les facteurs clés du succès que tu as enregistré jusque-là?
On ne peut pas parler à ce stade de succès puisque nous venons de relancer l’exploitation de Kindia avec la banane culture et l’ananas culture en plus des produits maraîchers et céréaliers. Cependant, on peut se féliciter d’avoir convaincu des investisseurs qui nous ont permis de lever les fonds nécessaires à la relance.

Quels les principaux obstacles auxquels tu t’es heurtés?
L’obstacle majeur en agriculture c’est la méconnaissance des sols. Les paysans travaillent à tâtons et ne peuvent pas utiliser les techniques nouvelles qui existent. On trouve donc peu de mains d’œuvres qualifiés pour conseiller de jeunes entrepreneurs agricoles comme nous. Mais on est en train d’y remédier avec la plateforme que nous avons mis en place récemment et qui regroupe des dizaines d’agripreneurs.

Quelles stratégies as-tu utilisées pour surmonter les difficultés, notamment d’accès à la terre au financement?
Je crois que je fais partie de la première expérience de lever de fonds que nous ayons organisé en Guinée. Quand je me suis orienté vers les banques et les micro finances, j’ai vu que je ne pouvais pas financer mes activités avec un emprunt. J’ai donc organisé une levée de fonds en publiant une annonce et en envoyant des mails à des personnes que je connais et que je sais détenir une épargne. Certains m’ont suivi dans l’aventure alors que je ne les avais jamais croisés mais ils ont cru au projet et nous sommes aujourd’hui une vingtaine à avoir confié leurs épargnes à la Coopérative pour l’Agriculture et la Production Animale (CAPA).

Quels types de relations entretiens-tu avec d’autres jeunes agripreneurs guinéens ou africains?
Nous sommes entrain de créer des connexions avec l’ensemble de la communauté des agripreneurs africains. Un forum se prépare d’ailleurs ici en Guinée pour parler de l’avenir du continent avec l’agriculture.

Quelles sont tes perspectives en matière d’agrobusiness?
L’ambition est de repiquer le modèle économique et le type d’exploitation que nous expérimentons partout à travers la Guinée. Pour nous, il ne suffit pas aussi de produire mais de trouver un moyen de transformer notre production locale en des produits commerciaux à forte valeur ajoutée. Les perspectives donc c’est mettre en place des unités industrielles capables de transformer nos productions de lait, de maïs, de bananes, de mangues, d’oranges, d’ananas, …en produits agroalimentaires de qualité.

Propos recueillis par Bachir Sylla