Pour son édition 2018, le Forum de Saint-Louis a opté pour Essaouira. Du 2 au 3 novembre 2018, les débats ont tourné autour du thème central « Mieux habiter le monde ». Deux jours rythmés par des échanges riches et féconds sur l’Afrique d’aujourd’hui et de demain.
Par Daouda MBaye, à Essaouira

Juste après la mise en bouche sur « Art culinaire », avec Christian Abegan, Fatou Mboup… puis le deuxième atelier sur le financement des industries créatives, ce sont le Pr Souleymane Bachir Diagne et André Azoulay qui ont entamé le symposium d’ouverture pour nous expliquer comment «Repenser les imaginaires ». Alioune Gueye, PDG du Groupe Afrique Challenge à la marque « Afrique qui ose », modérateur de ce panel d’ouverture, a d’abord interrogé le Pr Souleymane Bachir Diagne sur les perspectives d’avenir d’un continent pourtant si riche par ses ressources et son capital humain, mais qui peine toujours à faire émerger une jeunesse pétrie de talents, parce que confrontée à des défis majeurs. Pour ce faire, il a convoqué l’ouvrage « Afrique 2025 : quels futurs possibles pour l’Afrique au sud du Sahara », fruit d’une réflexion collective menée par Futurs africains, un projet du PNUD, qui ne prétend pas prophétiser sur l’Afrique de demain, mais explore les futurs possibles pour l’Afrique au sud du Sahara.

Juste après la mise en bouche sur « Art culinaire », avec Christian Abegan, Fatou Mboup… puis le deuxième atelier sur le financement des industries créatives, ce sont le Pr Souleymane Bachir Diagne et André Azoulay qui ont entamé le symposium d’ouverture pour nous expliquer comment «Repenser les imaginaires ». Alioune Gueye, PDG du Groupe Afrique Challenge à la marque « Afrique qui ose », modérateur de ce panel d’ouverture, a d’abord interrogé le Pr Souleymane Bachir Diagne sur les perspectives d’avenir d’un continent pourtant si riche par ses ressources et son capital humain, mais qui peine toujours à faire émerger une jeunesse pétrie de talents, parce que confrontée à des défis majeurs. Pour ce faire, il a convoqué l’ouvrage « Afrique 2025 : quels futurs possibles pour l’Afrique au sud du Sahara », fruit d’une réflexion collective menée par Futurs africains, un projet du PNUD, qui ne prétend pas prophétiser sur l’Afrique de demain, mais explore les futurs possibles pour l’Afrique au sud du Sahara.

Il n’a pas occulté une jeunesse trop nostalgique de ses héros du passé qui ont pour noms Kwamé Nkrumah du Ghana, l’immense sud-africain Nelson Mandela, Thomas Sankara du Burkina Faso… et qui semble fuir l’avenir, ni non plus ses réflexions sur son livre «En quête d’Afriques ». À cela le philosophe sénégalais, professeur à l’université Columbia aux États-Unis, a répondu qu’il était certes gratifiant de porter des idoles, telles que Mandela, Sankara, feu le roi Mohammed V… mais qu’il est utile de nous poser la question de savoir si nous sommes capables de nous projeter sur l’avenir. Justement comme ces héros d’un passé encore récent l’ont fait. Dans ce sillage, il a évoqué le cas de Madiba. N’a-t-il pas rappelé que dès sa sortie de prison, après 27 ans de privation, celui-ci a plaidé et bâti la nation arc-en-ciel, voulant sortir des tribus et construire une nation commune? A ce titre, il saluera le message d’ouverture d’Amadou Diaw, président du Forum de Saint-Louis, louant le métissage.
De son avis, c’est le moment de mettre en exergue «Ubuntu», cette notion inventée sur le continent et tirée d’une philosophie post-Apartheid. Un vocable, créé par les langues bantoues et qui ressort de cette qualité inhérente au fait d’être une personne parmi d’autres personnes…

Une jeunesse au rendez-vous du développement
Pour le professeur, notre continent peut relever les défis auxquels il est confronté, y compris ceux liés à une démographie galopante avec des pyramides d’âge à la base élargie. Sa jeunesse, qui semble être le problème, parviendra à construire une humanité et sera la solution. Optimiste sur l’avenir, il croit que, la créativité aidant, cette jeunesse sera au rendez-vous du développement. N’a-t-elle pas réussi à réaliser des sauts de développement technologiques importants, avec notamment le MBanking et le Mobile Paiement. Convoquant Gaston Berger, il a confié à la salle que dans le langage de la prospective, les germes du changement sont plus que de simples promesses. Aux jeunes qui ont les yeux rivés sur l’extérieur, il suggérera de songer un peu au cas du Maroc, dont le défunt roi Hassan II disait qu’il est tel un arbre aux feuillages qui bruissent en Europe, mais dont les racines sont profondément ancrées dans les pays de la Cedeao… Un peu plus tard, il répondra aux tentations au protectionnisme par un refus catégorique à l’autarcie tout en auscultant ses propres forces, cette capacité de sortir de soi, de parler d’autres langues, de pouvoir multiplier les points de vue… L’exemple de cette ville qui « enfante » ses habitants « Dommu Ndar », littéralement « Enfants de Saint-Louis » (en Wolof), en dit long sur les similitudes entre les deux villes qui sont porteuses du même message.

Cette Afrique-là, bien installée dans son ADN
À André Azoulay, le modérateur demandera de revenir sur l’histoire de la ville hôte Essaouira et sur ce qui fait sa réussite dans une harmonie palpable et de renommée internationale. Le conseiller du roi du Maroc entamera son propos par des mots de bienvenue en Wolof « Wa Saint-Louis na nguen def ?… Dal’len ak diam ! », qui équivaut à « Comment allez-vous Saint-Louisiens ?… Soyez les bienvenus ! ». Il ajoutera que sa ville Essaouira était le port de Tombouctou dans le passé, pour signifier la proximité avec le reste du continent. Il est revenu sur les circonstances du choix de la ville pour abriter cette édition, soutenant qu’il n’a pas fallu plus de 5 secondes pour prendre la décision, tant tout militait à ce que cela se fasse. Il a alors souhaité qu’Essaouira soit, à son tour, invitée à Saint-Louis dans l’avenir.

Au Pr Souleymane Bachir Diagne, à qui il voue une grande admiration, il a salué la sagesse d’une parole qui nous manquait. Aux afro-pessimistes, il oppose l’Afrique de tous les possibles, l’Afrique de l’avenir. Il s’est appesanti sur la vraie ambition de cet enjeu de cette prise de conscience de ce qu’est l’Afrique. Cette quête de la dignité et du respect à autrui doit être présente, tout en étant lucide, et surtout ne pas être spectateur ni muet pour aller au cœur et renverser une certaine tendance en défaveur du continent et des égocentrismes.

André Azoulay a souligné que les difficultés de l’heure ne sont pas seulement en Méditerranée, il nous invite à tourner le regard vers le Brésil, l’Allemagne, le Danemark, dans cette Scandinavie qui fut singulière dans son hospitalité… où l’humanité est en train de déserter les rivages. Il trouve que l’Afrique c’est autre chose. À lui-même qui s’interrogeait sur son africanité, qui ne l’avait pas encore bien intégré, c’est l’écrivain Amadou Hampaté Bâ qui l’a aidé, par son verbe, sa pédagogie douce. C’est cette Afrique profonde, sereine, enracinée, très forte, installée dans son ADN, avec une civilisation passionnante, qui permet de se sublimer. La réponse est à ce niveau, soutiendra-t-il.

Un riche métissage et un melting pot gagnant
Interrogé sur sa ville, la « cité des Alizés », le conseiller du roi Mohammed VI a révélé qu’Essaouira est singulière à bien des égards. Pour preuve, il se considère à la fois Phénicien, Carthaginois, Romain, Berbère, Juif et Arabe, avec un ADN qui n’a jamais été amnésique. Là où les autres s’installaient avec confort dans une seule culture, ici ce fut tout le contraire. Il croit que parce que toutes ces civilisations sont passées par Essaouira, c’est un réel cadeau du ciel. Essaouira se nourrit, se souvient et avance par ces histoires additionnées. «Nous ne voulons laisser aucune d’elle sur notre route. Nous ferons de la résistance aux extrémismes d’où qu’ils viennent. Nous sommes à Essaouira dans une telle proximité, dans une capillarité entre juifs et musulmans qui font que nous ferons de cette ville le vaisseau amiral de cette résistance. La Maison de la mémoire est ici un espace pour magnifier cette histoire riche de valeurs humanistes sur lesquelles nous ne céderons pas, vu que c’est le socle qui nous fait avancer…», a-t-il martelé.
Chaque année, le «Festival des musiques Gnaoua», un festival parmi les dix que compte la ville, fait jouer depuis 15 ans la même partition, danser, chanter ensemble juifs et musulmans par milliers, comme cela ne se fait nulle part ailleurs dans le monde, précise-t-il.

Public et privé, même combat
Hamidou Hanne et Mouna Kadiri, directeur du Club Afrique Développement du Groupe Attijariwafa bank, rejoindront les premiers panélistes pour enrichir les débats. Si le premier, parmi les initiateurs de l’ouvrage collectif « Politisez-vous », songe qu’on ne peut rien changer tant qu’on n’est pas au cœur de la scène politique, que la solution sera politique et que les États ne doivent pas fuir leurs responsabilités quant à l’emploi des jeunes, la patronne du Club Afrique Développement et non moins membre de l’association « Jam ak Salam » (la paix en Wolof », préconise la mise en place de canaux structurés pour travailler ensemble à apporter des solutions de développement. Ce sont, dit-elle, ces canaux structurés qui précèdent les échanges. En gros, ce fut un débat qui, du public ou du privé, devrait faire la promotion de l’emploi des jeunes. Le modérateur, Alioune Gueye, et une partie de l’auditoire les mettront d’accord, soulignant que c’est à l’entreprise de créer l’emploi et Son Excellence Massamba Sarr, Consul général du Sénégal à Casablanca, plaidera pour que le pouvoir ne soit plus confiné à une certaine catégorie et passe enfin entre les mains des jeunes…

Mouna Kadiri insistera sur ce plaidoyer, si cher à «Jam ak Salam», pour qu’à travers les pouvoirs publics, des politiques d’envergure soient déployées pour apporter des mesures énergiques à l’émigration clandestine. Les uns et les autres ont mis le doigt sur les messages des deux villes, en termes de métissage, d’œcuménisme (gardien de la synagogue est musulman), de tolérance, de fermeté contre toute OPA sur leurs croyances, mais aussi sur des réponses aussi radicales que celles véhiculées par les marchands de haine, sur des solutions concrètes nées de notre indignation des maux que vivent encore des centaines de millions d’Africains.