Après que l’ICIJ (International Consortium of Investigative Journalists) et BuzzFeed News ont publié une enquête conjointe, des responsables du monde entier ont commencé à prendre des mesures pour contrecarrer les criminels et les activités financières illicites. Nous revenons, en 4 parties, sur ce qui change dans le monde bancaire (suite et fin).

Daouda Mbaye avec Will Fitzgibbon, Anthony Cormier, Jason Leopold, Scott Pham, Richard Holmes, Jeremy Singer-Vine, John Templon, Tom Warren et Michael Hudson

Selon la loi (américaine), les banques doivent déposer un rapport lorsqu’elles détectent des transactions qui portent la marque du blanchiment d’argent ou d’autres fautes financières. Les rapports d’activités suspectes (Suspicious Activity Reports ou SAR) ne sont pas en eux-mêmes la preuve d’un crime, mais sont considérés comme essentiels aux forces de l’ordre pour poursuivre une activité illégale.
Lors d’un discours prononcé naguère devant l’American Bankers Association, le directeur du FBI, Christopher Wray, a déclaré que les SAR «capturent une gamme incroyable de comportements» et permettent aux agents de «suivre les pistes financières, d’enquêter sur des personnes et entités spécifiques, d’identifier des pistes, de relier les points et de faire avancer les enquêtes.» Les dossiers, selon des sources policières, peuvent aider à retracer des parties des réseaux de drogue, à clarifier le financement derrière les cellules terroristes et à aider les responsables à décider s’il faut mettre sur liste noire les entreprises ou les individus impliqués dans des actes répréhensibles.

Une goutte d’eau dans l’océan
Contacté par BuzzFeed News avec des questions sur cette histoire, le Bank Policy Institute a répondu en citant à nouveau ses propres recherches sur le problème et en réitérant que les fichiers FinCEN étaient basés sur une tranche de documents «incroyablement étroite», une fraction de millions chaque année.
Immédiatement après la publication des fichiers FinCEN, les actions bancaires mondiales ont chuté de façon spectaculaire, mais ce n’est pas seulement la valeur des actions qui a fait vibrer le secteur. La série a aussi suscité des réflexions et des débats dans divers forums médiatiques et industriels. «Ce scandale bancaire est un doozy», a noté The Independent, une publication britannique. «Les réverbérations… se feront sentir pendant des mois, voire des années.»

Dans plus de 100 articles d’opinion et colonnes qui ont été publiés dans des publications spécialisées et commerciales depuis septembre, les experts de l’industrie ont souligné les fichiers FinCEN tout en plaidant pour le changement. Dans International Banker, Laurent Liotard-Vogt et Florent Palayret, qui travaillent pour le cabinet de conseil en gestion d’entreprise Chappuis Halder & Co., ont proposé des solutions, dont des réglementations pour empêcher les sociétés-écrans et ont conclu que «c’est tout le système qui est en effondrement et doit être repensé.»

Changements substantiels attendus dans la surveillance
Neuf jours après la révélation des conclusions de l’enquête FinCEN Files, Linda A. Lacewell, surintendante du Département des services financiers de l’État de New York, a publié sa propre analyse, notant que la série offrait l’occasion de s’attaquer à des problèmes de longue date. «Maintenant, avec ce nouveau projecteur, nous devons agir», a-t-elle écrit.
La sénatrice Elizabeth Warren, membre du Comité des banques, du logement et des affaires urbaines, a cité ces histoires en appelant à des changements substantiels dans la surveillance.
Dans une déclaration à BuzzFeed News, elle déclarait que la loi sur la transparence des entreprises ne devrait être qu’une première étape et qu’elle plaiderait pour des réformes supplémentaires, notamment en rendant Wall Street plus responsable des crimes financiers. «Je vais continuer à faire pression sur ma législation pour tenir les dirigeants personnellement et pénalement responsables lorsque leurs organisations contournent la loi.»
Dans l’encadré ci-joint, les FinCEN Files ont été finalistes du Prix Pulitzer 2021, c’est dire la reconnaissance internationale d’un tel travail. Justement, Gerard Ryle, directeur d’ICIJ, confiait : «Il a fallu un effort d’équipe mondiale pour découvrir les flux et le mal destructeur de l’argent sale dans le monde». Il a ajouté : «Nos efforts ont suscité de nombreuses critiques sur la faiblesse des défenses internationales contre une sorte d’activité criminelle qui peut entraîner des inégalités et déstabiliser les nations.» Enfin, il a loué le travail de confrères journalistes soutenant : «C’est un hommage au pouvoir du journalisme collaboratif qui est au cœur du modèle de l’ICIJ et un honneur de partager cette distinction avec BuzzFeed News, qui a rendu FinCEN Files possible en partageant leur scoop avec des journalistes du monde entier.

Encadré : FinCEN Files finaliste du Prix Pulitzer 2021
FinCEN Files ont été nommés finalistes du Prix Pulitzer 2021 dans la catégorie Reportages internationaux (International Reporting). Le conseil d’administration de Pulitzer a félicité l’équipe de reportage international pour avoir mené à bien un “projet de reportage massif” qui a produit des “révélations radicales” sur le “rôle de certaines des plus grandes banques du monde dans la facilitation du blanchiment d’argent international et du trafic de biens et de personnes, la corruption qui continue de frustrer les régulateurs du monde entier… ».

(Source : ICIJ)