Le Rwanda accueille, les 27 et 28 février 2019, la troisième édition de l’African Business & Social Responsability Forum, un cadre d’échange qui permet aux entreprises et organisations africaines de partager leurs expériences en matière de Responsabilité sociale de l’entreprise (RSE). Dans cet entretien, Stéphane Moudouté-Bell, Commissaire général du forum, nous dévoile les grands axes de ce rendez-vous.

Propos recueillis par E.S

ABJ : Vous organisez les 27 et 28 février 2019 la 3e édition de l’African Business & Social Responsability Forum à Kigali. Qu’est-ce qui a motivé l’organisation d’un tel évènement ?

Stéphane Moudouté-Bell : L’African Business & Social Responsability Forum, qui a été lancé en 2017 à l’île Maurice par notre cabinet-conseil Latitude Monde, est une plateforme qui permet aux entreprises et organisations africaines de partager, dans une approche nécessaire d’amélioration continue, leurs expériences en matière de Responsabilité sociale de l’entreprise (RSE). En effet, face aux multiples mutations que connaissent nos économies, la RSE devient incontournable pour les entreprises avec comme corol¬laire de nombreuses opportunités pour un développement durable et inclusif et l’amé¬lioration de leur performance. Ce rendez-vous est un évènement régulier, fondamentalement utile pour les entreprises en matière de RSE tout en leur offrant un espace mérité de reconnaissance à forte valeur ajoutée. Ce forum a accueilli plus de 60 entreprises issues de 20 pays lors des deux premières éditions. Cela conforte le bien-fondé de son existence.

« Education, Emploi et Engagement sociétal : Quels modèles pour une croissance durable et inclusive ? » est le thème de cette 3e édition. Pourquoi ce choix ?

La révolution numérique impose aujourd’hui de repenser les modèles éducatifs pour faire face aux multiples exigences inhérentes à ce changement de paradigme. Il est donc nécessaire que l’éducation en Afrique puisse se réinventer pour former des personnes capables de s’adapter aux mutations rapides que connaissent les différents écosystèmes. Par ailleurs, l’un des défis majeurs de l’Afrique en ce XXIe siècle est de créer, chaque année, 29 millions d’emplois. Afin de relever ce défi dans toutes ses dimensions (démographique, économique et sociale), les entreprises doivent contribuer à la création de conditions garantissant des emplois de qualité, directs et indirects, qui stimulent l’économie. L’éducation, Objectif de développement durable (ODD) numéro 4, et l’emploi (ODD) numéro 8 sont donc, à juste titre, au cœur de cette troisième édition.

Quelles seront les principales innovations cette année ?

Lors de cette 3e édition, les Masters Class seront animés par les entreprises afin de rendre l’échange d’expériences plus dynamique et susciter l’inspiration sociétale. Par ailleurs, des entreprises rwandaises accueilleront des délégués dans le cadre de visites de terrain pour un échange d’expériences in situ.

Le développement durable semble intéresser de plus en plus le top management africain. D’après une étude publiée en 2014 par UN Global, 60% d’entrepreneurs africains estiment que ce domaine est important pour la réussite de leurs structures. Comment expliquez-vous cet engouement massif ?

L’appropriation de la RSE par les entreprises est un processus irréversible. Aujourd’hui, les parties prenantes des écosystèmes dans lesquels opèrent les entreprises ont des attentes élevées par rapport aux questions de développement durable. Organisées souvent en tissu associatif, elles font office d’alertes face à des conséquences découlant des activités d’entreprises non exemplaires en termes d’éthique dans la conduite de leurs affaires (pollution de nappes phréatiques, conséquences du torchage de gaz dans l’industrie pétrolière, déforestations massives, non-respect des réglementations locales, etc.). Le boycott de produits et services de certaines entreprises au Maroc est un exemple concret de cette nouvelle donne.

Il est aussi fondamental d’expliquer aux décideurs économiques que la RSE ne se résume pas uniquement au développement local, elle englobe d’autres points centraux tels que la gouvernance, les relations et conditions de travail, l’environnement, la loyauté des pratiques, les droits de l’homme, les questions relatives aux consommateurs. Conduire son business de manière responsable permet donc de pérenniser son activité, d’avoir accès plus facilement aux capitaux (publics ou privés) intégrant des critères ESG (Environnement, Social Gouvernance) dans les processus de sélection, d’anticiper et maîtriser des risques, d’attirer et retenir des talents et d’augmenter son capital sympathie.

Par contre, les pays africains ne figurent pas dans le Top 30 mondial des économies qui accordent une grande importance à la RSE, selon un classement de l’institut Respeco. Le Burkina Faso, premier en Afrique, occupe la 38e place devant le Sénégal (44e), le Ghana (51e) et le Maroc (54e). Le pari semble loin d’être gagné apparemment… ?

Le premier pari gagné est l’importance que revêt la RSE pour les entreprises africaines. Son implémentation est un processus que l’on doit accompagner par la pédagogie, des cadres réglementaires appropriés et des espaces, tels que notre forum. Aujourd’hui, les entreprises doivent mettre en place des démarches RSE qui favorisent la cohésion et l’équité sociale, le développement socio-économique des territoires où elles sont implantées, ainsi que l’accès de tous aux biens et services essentiels. Cette dynamique doit être soutenue afin qu’elle engendre un effet domino pour une croissance durable et inclusive.