La Chine est omniprésente dans les grands projets ferroviaires en Afrique. L’Empire du Milieu orchestre une véritable diplomatie des transports, avec comme principales locomotives la China Railway Construction Corporation (CRCC) et la China Export-Import Bank. Depuis 2012, elle multiplie ses interventions et se tisse un solide leadership sur le marché africain. Des projets de lignes ferroviaires se multiplient dans plusieurs pays du continent.

En novembre 2014, cette diplomatie du transport prend une nouvelle dimension quand Pékin signe avec le Nigéria un contrat de construction d’un chemin de fer de 1.402 km qui doit relier les villes côtières du pays, entre Lagos (Sud-Ouest) et Calabar (Est). C’est le pus grand contrat de construction à l’étranger dans l’histoire de la Chine, selon l’agence officielle chinoise Xinhua. Cette voie, qui coûtera 11,97 milliards de dollars et d’une vitesse de pointe de 120 km, disposera de 22 stations.

Mais c’est le méga-contrat que l’Empire du Milieu a signé le 27 janvier 2015 avec l’Union africaine (UA) à Addis-Abeba qui donne une nouvelle tournure à la coopération économique sinoafricaine. Ce protocole d’accord prévoit la construction d’autoroutes, de trains à grande vitesse et de liaisons aériennes qui relieront les capitales africaines.

Cette stratégie est tout aussi perceptible dans le secteur maritime. La stratégie du pays de Mao : détenir des actions dans des sociétés pétrolières africaines à travers de grandes firmes telles que la China Petroleum and Chemical Corporation (SINOPEC), la China National Offshore Oil Corporation (CNOOC), et la China National Corporation Petroleum (CNPC), et investir dans les ports maritimes africains. D’ailleurs, des entreprises chinoises construisent actuellement douze ports en eau profonde dont sept sont localisés sur les côtes africaines : Dakar, Djibouti, Libreville, Maputo, Tema (Ghana), Dar es Salam et Bizerte. Les projets ferroviaires ainsi que le protocole d’accord signé avec l’Union africaine entrent dans ce sillage. Ces espaces portuaires seront connectés à la «Nouvelle route de la soie» que la Chine envisage de construire entre l’Asie et l’Europe.

L’intégration des pays africains dans ce projet transcontinental permettra, certes, à la Chine d’accroître sa compétitivité par le biais des exportations, mais elle stimulera surtout l’exportation des produits chinois sur le marché africain qui compte un milliard de consommateurs. De nouvelles cargaisons qui s’ajouteront à celles déjà existantes dans la quasi-totalité du continent, où l’on dénombre près de 80% de produits manufacturés made in China. Des paquebots qui serviront probablement à l’acheminement des matières premières du continent à Pékin.

Quelles sont réellement les raisons qui motivent la diplomatie des transports de la Chine en Afrique ? Qu’est-ce qui la différencie de celle des pays occidentaux ? Comment les pays africains peuvent-ils tirer profit de cette relation commerciale avec l’Empire du Milieu ? Pourquoi la Chine privilégie-t-elle le soutien à ses entreprises à l’investissement en Afrique ? Peut-on parler d’une Chine-dépendance pour l’Afrique ? Autant de questions abordées dans ce large focus avec en toile de fond un grand entretien avec Thierry Pairault socio-économiste, sinologue et directeur de recherche émérite au Centre national de la recherche scientifique (CNRS).