La directrice générale Clare Akamanzi de La Rwanda Development Board (RDB), dans cette interview exclusive, nous révèle les facteurs clés de succès de cette structure, la stratégie du président Kagamé pour faire du Rwanda le «Singapour de l’Afrique», les principaux moteurs de l’économie rwandaise, ainsi que les secteurs les plus attrayants pour les investisseurs. La Rwanda Development Board (RDB) est pour le Rwanda ce que l’Economic Development Board (EDB) est pour Singapour. Un pôle qui regroupe plusieurs agences gouvernementales qui mettent en place des stratégies économiques et industrielles pour attirer les investisseurs et stimuler la croissance du pays. La RDB est la locomotive du miracle économique rwandais. 

«La RDB accélère le développement économique du Rwanda»

En quoi consistent la vision et les missions du Rwanda Development Board?

L’Office rwandais du développement a pour objectif de faire du Rwanda un hub mondial de business, d’investissement et d’innovation. Cette institution a pour mission d’accélérer le développement économique du Rwanda par l’activation et le soutien de la croissance du secteur privé.

D’après vous, quels sont les principaux moteurs de l’économie rwandaise aujourd’hui?

Durant les deux dernières décennies, la croissance de l’économie et du secteur public a été le fait le plus marquant du pays. Le gouvernement rwandais, avec le leadership visionnaire de Son Excellence le Président Paul Kagamé a été capable de réformer l’économie et de positionner le pays en tant que hub régional pour l’investissement, grâce à des structures de gouvernance solides et à la mise en œuvre de programmes nationaux appropriés tels que «Vision 2020», qui définissent clairement les objectifs de développement et les échéances fixés par le gouvernement. Le secteur privé a été au premier plan de ces programmes.

En ce moment, le secteur des services est le moteur de la croissance économique avec 46% du PIB. Il est principalement tiré par les services, les technologies de l’information et les transports notamment le transporteur national Rwandair, qui dessert plus de 24 destinations. Cependant, le secteur de l’agriculture demeure important et a un impact direct sur les populations. Nous encourageons également l’industrialisation avec notre label «Made in Rwanda», programme englobant l’habillement, les matériaux de construction, l’assemblage électronique et automobile.

La mise en œuvre des réformes entreprises en temps opportun et de manière continue par le gouvernement a boosté l’économie du pays. Aujourd’hui, le Rwanda offre un climat des affaires propice aux investissements dans la région de l’Afrique orientale. Il est deuxième en Afrique subsaharienne et 41e au monde, selon le classement Doing Business de la Banque mondiale.

Enfin, l’environnement socio-politique dans le pays (stabilité politique et absence de corruption) continue également de jouer en notre faveur. C’est ce qui a motivé le choix de certaines sociétés internationales à l’instar de Volkswagen pour s’installer dans le pays.

‘‘Le pays des mille collines’’ jouit de la stabilité politique et d’une bonne gouvernance. On parle même du ‘‘modèle rwandais’’. Cependant, le Rwanda est un pays qui ne dispose pas de littoral. Face à cette contrainte, quelle stratégie adoptez-vous pour attirer les investisseurs?

La mise en place de stratégies favorables au business fait du Rwanda la destination de choix pour les investissements. Au cours de la dernière décennie, note pays a continué à développer un environnement favorable aux investissements. 52 réformes ont été entreprises en 2008, le plus grand nombre de réformes enregistrées en Afrique subsaharienne par la Banque mondiale.

En plus du fait que le Rwanda ait été qualifié de pays réformateur dans le classement Doing Business de la Banque mondiale, sa position à la croisée des chemins entre l’Afrique centrale et orientale en a fait un pôle d’attraction pour les investisseurs surtout en ce qui concerne les opérations d’exportation à destination de la région.
De plus, la compagnie aérienne nationale, Rwandair, est en voie de faire du pays un hub régional incontournable en desservant différentes destinations sur la région.

Quels sont les principaux secteurs sur lesquels vous travaillez pour attirer des investissements ? Et pourquoi les avez-vous privilégiés?

Pour créer une croissance économique solide, résiliente et durable, le gouvernement a œuvré dans le sens d’accélérer la croissance dans plusieurs grands secteurs économiques transversaux, à savoir la fabrication, l’agriculture et l’agro-industrie, le tourisme, la construction, le textile et les vêtements, l’énergie renouvelable, les TIC… Il ambitionne particulièrement d’accroître les exportations «made in Rwanda» pour réduire le déficit commercial et créer des opportunités d’emploi.

Quelle est la formule magique du «Rwanda» pour attirer les investisseurs étrangers? Et quel est le principal message aux investisseurs pour les convaincre de venir investir au Rwanda?

Il n’y a pas de formule magique pour attirer les investisseurs étrangers. Ce que le Rwanda a fait est tout simple : optimiser l’expérience des investisseurs et améliorer le climat des affaires pour les investisseurs locaux et internationaux.
Nous continuons à encourager les hommes d’affaires du monde entier à se pencher sur les opportunités encore inexploitées que représente le pays avec un marché en croissance, une meilleure intégration régionale, l’amélioration de l’accord «Ciels ouverts» et des mesures commerciales incitatives.

D’où proviennent les investissements étrangers directs (IED) ? Et qu’est-ce cela représente?

Les IDE viennent de partout dans le monde, d’Europe, d’Asie et d’Amérique du Nord. En 2017, les cinq plus gros investissements sont venus du Portugal, du Royaume-Uni, de l’Inde, les Émirats arabes unis et de l’Allemagne. L’année dernière, le Rwanda a enregistré des investissements de 1.041 milliards de dollars, soit 62,26% de l’ensemble des investissements du pays. Au total, le Rwanda a engrangé 6 milliards de dollars US d’investissements en 2017, contre 1,160 milliards de dollars en 2016.

Quarante-quatre pays de l’Union africaine ont récemment approuvé, à Kigali, le lancement de la Zone de libre-échange continental africaine (ZLECA). Selon vous (en votre qualité d’ex-négociateur du Rwanda au sein de l’Organisation mondiale du commerce), quel pourrait être l’impact de ce projet sur l’économie du continent?

La ZLECA représente une occasion unique de promouvoir une croissance inclusive en Afrique. Le commerce intra-africain est relativement limité ; il ne représentait que 10,2% de l’ensemble des échanges commerciaux du continent en 2010. Selon les estimations de la Commission économique des Nations unies pour l’Afrique, la ZLECA devrait accroître le commerce intra-africain d’environ 52,3% en 2020.
Aujourd’hui, les gouvernements africains ont la responsabilité non seulement de créer des emplois pour des millions de jeunes Africains, mais également de créer un environnement qui encourage l’innovation et l’entrepreneuriat. La ZLECA sera, grâce à l’engagement et l’implication du secteur privé, apte à propulser l’intégration de l’Afrique.

L’Afrique de l’Est est la zone la plus performante en Afrique, selon le dernier rapport de la Banque africaine de développement (BAD) sur les «Perspectives économiques» publié en mars 2018. L’intégration économique est également très avancée dans cette région. Quels sont les secrets de ce succès?

Il y a beaucoup de possibilités de croissance qui se développent hors de l’intégration régionale. Nous avons la chance d’avoir des dirigeants politiques de la Communauté d’Afrique de l’Est (EAC) qui ont fait le choix d’encourager l’intégration pour améliorer la vie de leurs peuples. Là où il y a une volonté, il y a un moyen. Les dirigeants de l’EAC l’ont matérialisé.

Le Président rwandais, Paul Kagamé, souhaite faire du Rwanda le «Singapour» de l’Afrique. Comment s’est traduite cette vision, en termes d’exécution et de mise en œuvre à la RDB?

La RDB favorise et promeut les opportunités d’investissement du pays auprès d’investisseurs potentiels dans bon nombre de plateformes aussi bien locales qu’internationales. Pour attirer un plus grand nombre d’investisseurs et de touristes, l’Office met en valeur notre pays à travers des expositions, des foires commerciales, des visites et réunions, des conférences internationales et dans les médias.
L’office a œuvré pour réduire la bureaucratie dans les prestations de services, à installer une gestion rationalisée en collaboration avec d’autres institutions comme l’Organisme national de normalisation public (Rwanda Standards Board) et l’Office rwandais des recettes (Rwanda Revenue Authority). Ce qui a permis au Rwanda d’attirer les investisseurs dans la région.

À votre avis, quels sont les enseignements à tirer des stratégies de promotion des investissements et des organismes dans les pays d’Asie du Sud-Est, en partie à Singapour, Hong Kong et en Corée du Sud?

Des pays asiatiques tels que la Corée du Sud et Singapour ont prouvé que, grâce à un bon leadership, une gouvernance exemplaire et éclairée, une politique d’intégration solide, un appui continu au secteur privé, les pays seront en mesure d’améliorer les conditions de vie de leurs citoyens. Le Rwanda s’inspire de ce modèle.

Quel serait votre «Elevator pitch» pour nos lecteurs qui sont des décideurs en Asie et en Afrique?

Le Rwanda est un pays ouvert au business, et sa croissance économique offre des opportunités d’investissement inexploitées ainsi que l’accès aux marchés régionaux. C’est le meilleur moment pour investir au Rwanda parce que le pays représente l’un des marchés les plus prometteurs de la région.

Notre industrie touristique est florissante grâce aux MICE (Meetings (réunions), «Incentive», «Conferences» et «Exhibitions/Events» (événements professionnels). Le Rwanda est également le seul pays à accueillir des gorilles de montagnes, espèce menacée, du célèbre massif Big 5.
À cela s’ajoute la connectivité grâce à notre transporteur national, Rwandair, qui assure le transport de voyageurs en toute sécurité vers le pays des mille collines et un million de sourires.

Réalisé par Elimane Sembène