Le dernier rapport de McKinsey Institute est une véritable radiographie des potentialités économiques du continent et une analyse prospective sur les perspectives de croissance dans différents secteurs pour stimuler davantage sa croissance.             Décryptage

Le cabinet américain a récemment publié la deuxième édition de son rapport intitulé «L’heure des lions: l’Afrique à l’aube d’une croissance pérenne». D’emblée, le document révèle un ralentissement de la croissance moyenne de l’Afrique qui est passée de 4,9% entre 200 et 2008, à 3,3% entre 2010 et 2015.

Le continent n’est d’ailleurs pas le seul à être impacté par l’instabilité de la croissance mondiale, d’autres régions émergentes en ont pâti aussi. Il n’empêche, McKinsey affiche un brin d’optimisme quant à la résistance de l’Afrique à cette conjoncture. Les pays africains devront relever plusieurs défis pour maintenir le cap. D’abord, l’urbanisation galopante. Les villes africaines devraient accueillir 24 millions de nouveaux arrivants par an d’ici à 2045, ce qui fera de l’Afrique le continent qui enregistre le plus fort taux d’urbanisation de la planète loin devant l’Inde (11 millions) et la Chine (9 millions). Outre l’aspect démographique, ces métropoles sont aussi des endroits privilégiés pour faiire prospérer son business. En 2015, la richesse par habitant produite dans ces villes était de 8.200 dollars contre 3.300 dollars dans les campagnes, indique ce rapport de 148 pages.

 Développer l’industrie L’industrie pourrait être une réelle pourvoyeuse d’emplois pour ces nombreux jeunes qui s’implanteront en ville. Sauf que ce secteur n’est pas encore très développé sur le continent. Pis, l’Afrique est le continent le moins industrialisé dans le monde. Les principales raisons : la faiblesse de l’accès à l’électricité, le manque d’infrastructures et l’importation massive de produits bon marché en provenance d’Asie. Les perspectives sont tout de même prometteuses. Selon le cabinet américain, la production industrielle de l’Afrique estimée à 500 milliards de dollars par an.

Quelque «70% de ces produits sont consommés en Afrique, 10% sont exportés à travers le continent et 20% sont destinés aux autres marchés», d’après Acha Leke, directeur de McKinsey Afrique et l’un des principaux auteurs de ce rapport. «Selon les tendances actuelles, la production devrait atteindre 643 milliards de dollars en 2025. Mais 297 milliards de dollars pourraient être générés en plus si les pays africains prennent des décisions concrètes pour améliorer l’environnement des industriels», précise le document.

Développer l’industrie c’est bien, mais faudrait-il encore disposer de ressources humaines de qualité pour bien gérer le secteur

Deux pays font figure de modèles dans ce développement industriel: l’Éthiopie et le Maroc. Le premier a construit 66.000 km de routes et augmenté sa valeur de production de 10% par an depuis 2004, tandis que le Royaume a développé son industrie automobile qui a généré 5 milliards de dollars de revenus en 2015 et crée 67.000 emplois, contre 400 millions de dollars en 2004. Développer l’industrie c’est bien, mais faudrait-il encore disposer de ressources humaines de qualité pour bien gérer le secteur.

 Pour ce faire, les États africains doivent lutter contre le phénomène de la «fuite des cerveaux» qui touche plus de 10% des diplômés africains, qui vivent et travaillent à l’étranger, et miser davantage sur la formation professionnelle. Cela apparait comme une nécessité puisque, selon McKinsey, 33 millions d’élèves d’écoles secondaires devraient intégrer des formations professionnelles chaque année d’ici 2025 contre 4 millions en 2012. «Les gouvernements ont un rôle clé à jouer pour assurer un système d’éducation et de formation capable d’enseigner ces compétences et que les étudiants soient sensibilisés et encouragés dans ces voies professionnelles», préconise le rapport Vers une hausse de la consommation des ménages Qu’en est-il des entreprises africaines ? On en dénombre 700 au total en Afrique avec un chiffre d’affaires annuel qui dépasse les 500 millions de dollars ; 400 grandes entreprises présentent un chiffre d’affaires dépassant 1 milliard de dollars. Le rapport révèle même qu’elles sont aussi rentables que des multinationales qui s’activent sur le continent et, mieux encore, la plupart d’entre elles se développent même plus vite que ces ténors.

Des entreprises, notamment celles spécialisées dans les biens de consommation, pourraient connaitre une hausse de leur chiffre d’affaires, à en croire le rapport, qui prévoit une augmentation des dépenses des ménages africains qui devraient atteindre 2100 milliards de dollars en 2025. Une tendance qui confirme les prévisions énoncées dans de récents rapports notamment celui du cabinet Boston Consulting Group qui avait révélé que l’Afrique compterait plus d’un milliard de consommateurs d’ici 2020 (voir ABJ 19, p.38).

En effet, les foyers africains consacrent le tiers des dépenses à l’achat de nourriture et de boissons ; 24% pour les dépenses de logement, de santé, et d’éducation ; 15% pour l’achat de vêtements, et le transport ; 10% pour les télécommunications et 10% pour les loisirs. Le cabinet américain dévoile six secteurs prometteurs : la vente en gros et en détail, l’alimentation et l’agro-industrie, la santé, la finance, l’industrie manufacturière légère et la construction. Autre aspect évoqué dans cette deuxième édition de «L’heure des lions : l’Afrique à l’aube d’une croissance pérenne» est l’impact de la fiscalité dans la croissance africaine. Elle pourrait être une réelle alternative de financement de nos économies africaines qui restent dépendantes de l’aide extérieure.

Selon le rapport, actuellement, les recettes fiscales collectées sur le continent sont estimées entre 295 et 320 milliards de dollars, soit une hausse de 10,5% ces dix dernières années, avec seulement dix pays qui contribuent à 80% sur ces revenus fiscaux. «Nous estimons que les gouvernements pourraient améliorer le prélèvement d’impôts de 50 à 100 milliards de dollars chaque année en adoptant des mesures simples pour réformer leur système», lit-on sur ce ¢document.