Réveil des nationalismes, instabilité d’un monde on ne peut plus multipolaire, montée des risques planétaires et des colères citoyennes, c’est dans ce contexte que se tiendra prochainement la réunion des BRIC (Brésil, Russie, Inde, Chine), en Afrique du Sud.
Voilà qui devrait inciter nos pays africains à reprendre leur destinée en main et à inventer un avenir différent pour leurs populations, avec en toile de fond l’unipolarité américano-centrique.
Qu’on en juge, en 2018, les trois géants du BRIC (Chine, Inde et Russie) génèrent à eux seuls la moitié de la production mondiale.
Toutefois, on devrait porter une attention toute particulière à l’expérience indienne, car elle nous semble davantage épouser les contours de ce que sera l’économie africaine de demain. En fait, un des grands défis que doit relever le continent africain c’est de domestiquer les technologies du futur en les adaptant au contexte local. Comment assurer l’éducation au plus grand nombre sans électricité ou Internet ? Comment faire accéder des populations démunies à des soins de qualité ? Comment améliorer la rentabilité de l’agriculture africaine avec le digital ? Y parvenir passe par l’innovation frugale si chère à l’Inde et popularisée par Navi Radjou dans son ouvrage «L’Innovation frugale. Comment faire mieux avec moins». «Jugaad» est un mot hindi populaire qui pourrait se traduire par «solution improvisée née de l’ingéniosité et de l’intelligence, en utilisant des moyens simples».
Dans un monde de pénurie « le toujours » plus n’est pas une option durable. Et il est temps qu’on se l’approprie alors que de plus en plus d’Africains aspirent à des modes de consommation occidentaux.
Certes la Chine est à la mode, mais la qualité du développement indien nous semble plus «pérenne», car ne s’appuyant pas «seulement» sur le paradigme de l’économie manufacturière, mais sur celui de l’économie de l’information et de la connaissance.
L’Inde se positionne depuis déjà de longues années sur les créneaux dynamiques de la demande mondiale dans certains secteurs nouveaux, à forte intensité en matière grise. Il s’agit en particulier des secteurs de l’informatique, de l’industrie pharmaceutique, des bio et nano-technologies.
C’est dire que l’expérience de l’Inde peut être intéressante pour les pays du Sud en quête de modèle de développement au-delà des prescriptions souvent peu imaginatives des institutions internationales. La transférabilité n’en sera que plus aisée. Mais surtout l’Inde fait ainsi la démonstration qu’un pays n’hérite pas des facteurs clés de succès, mais qu’elle les crée, à travers la formation et la recherche.

Par Alioune Gueye

* Jugaad :Innovation frugale