En cette époque d’infobésité, qui se caractérise par une surabondance d’informations toutes sources confondues, c’est souvent celui qui parle le plus vite ou le plus fort que l’on entend. À ce jeu, le continent n’est pas le mieux placé. Et l’Afrique est plus souvent racontée par les autres qu’elle ne parle par sa propre voix.
La transformation structurelle de notre continent doit s’accompagner d’outils de communication solides pour accompagner et amplifier nos ambitions de développement. Car c’est la communication médiatique qui façonne et influence l’opinion publique domestique et internationale.

Cette question n’est pas nouvelle. Déjà, dès le début des années 1970, Amadou Makhtar Mbow, ancien directeur général de l’Unesco, plaidait pour un Nouvel Ordre de l’information et de l’éducation afin de se prémunir contre une trop grande domination de quelques pays sur le reste du monde.

Quarante ans plus tard, ce débat est plus que jamais d’actualité, car si on prend en compte le développement rapide d’internet et des réseaux sociaux, chaque citoyen connecté est un journaliste potentiel avec toutes les dérives possibles de désinformation et de manipulation.

Dans la nouvelle grammaire des relations internationales, la puissance cède le pas à l’influence. Et pour cela, pas forcément besoin d’être un «grand pays» au sens géographique du terme. L’irruption spectaculaire d’Al Jazzera sur la scène mondiale a contribué à révéler le Qatar comme pays influent, et constitue en cela un cas d’école.
À l’issue des grandes réunions internationales, les Chefs d’État des pays puissants s’adressent à leurs médias «maison» qui relayent leurs messages en plusieurs langues à la face du monde. Ainsi, le Président américain s’adressera au monde via CNN, Fox News, le Président russe via RT, le Président chinois via CGTN, et le Président français à travers TV5 ou France 24…

Les Chefs d’État de notre continent sont, quant à eux, totalement inaudibles sauf à titre anecdotique pour relater une partie de leur intervention sans toujours rendre compte du contexte d’ailleurs.

Autant il faut des champions dans les télécommunications, le secteur aérien et maritime, autant il faut qu’il y ait des champions dans le secteur des médias, pour pallier le peu d’influence médiatique du continent sur la scène internationale. Pour y parvenir, il nous faut des investissements massifs dans les technologies du futur, mais aussi dans la formation du capital humain. Aucun pays africain ne peut y parvenir seul au risque de créer des nains médiatiques. La mutualisation serait le seul moyen afin que le continent parle d’une seule voix forte et audible, et se garder de répéter dans les médias les erreurs commises dans l’aérien avec la disparition d’Air Afrique qui réduit les Africains à être les passagers de compagnies étrangères plutôt que les transporteurs.

Par Alioune GUEYE