#LeSénégalEndeuil. C’est le nom du deuil virtuel organisé le vendredi 13 novembre par la twittosphère sénégalaise. Un hashtag repris par des milliers de Sénégalais présents sur le réseau social à l’oiseau bleu, mais également sur Facebook, WhatsApp et Instagram. Des photos en fond noir où on voyait un homme qui pleure, le drapeau du Sénégal flottant dans la mer, des images de naufragés ou de rescapés…Tout un registre émotionnel pour rendre hommage et formuler des prières à l’endroit des 480 migrants sénégalais péris en mer. Presque 500 âmes engloutis par les vagues de l’océan en quelques semaines, plus que les 332 victimes du Covid-19 au pays de la Teranga, huit mois après la détection du premier cas positif. Eh oui, ça donne le tournis ! Au silence assourdissant de l’Etat, ces internautes, dont plusieurs influenceurs, ont répondu par une mobilisation bruyante. Leur deuil virtuel a été relayé par la presse sénégalaise et internationale. Objectif atteint.

A l’instar du Sénégal, d’autres pays d’Afrique subsaharienne assistent impuissamment à la recrudescence de l’émigration irrégulière. Ce phénomène, tel un serpent à plusieurs têtes, ne s’est en réalité jamais estompé, mais c’est surtout le rythme effréné observé ces derniers mois qui intrigue. Plus de 17.000 migrants ont débarqué aux îles Canaries (Espagne), loin des 3.000 enregistrés en 2019, selon les chiffres de l’Organisation internationale de la migration (OIM). Que dire des centaines, voire des milliers de jeunes disparus dans les tréfonds du grand bleu, dans leur quête d’un illusoire Eldorado? N’est-il pas temps de trouver des solutions «chirurgicales» pour stopper cette hémorragie ? Comment résorber le taux de chômage endémique, surtout dans ce contexte de pandémie ?

Trois pistes de solutions, à mon avis. D’abord, l’industrie. Outre l’agriculture, les Etats africains doivent investir davantage dans ce secteur, gros pourvoyeur d’emplois, ou, à défaut, mettre en place des zones franches industrielles capables d’attirer des multinationales, en privilégiant le transfert de technologie et l’employabilité de la main-d’œuvre locale. Les partenariats que le Maroc a noués avec les groupes Renault (Tanger) et PSA (Kénitra) sont des cas d’école.

La formation professionnelle pourrait aussi être une alternative pour lutter contre ce fléau. La plupart des candidats à l’émigration sont issus du secteur informel. Les vicissitudes quotidiennes et le scepticisme sur l’avenir de leurs activités précaires les poussent souvent à braver l’océan. La création d’instituts qui proposent des formations courtes sur plusieurs métiers, tels que la restauration, la mécanique, la confection, la plomberie, la couture, etc., pourraient leur permettre de se reconvertir et rêver d’un avenir meilleur.

Enfin, le numérique. Cette incroyable mine dont plusieurs gisements sont encore inexploités constitue une belle opportunité pour la jeunesse africaine, y compris les étudiants. L’intégration de modules sur le développement numérique par exemple pourrait permettre à ces futurs lauréats de développer des compétences numériques pouvant faciliter leur insertion professionnelle dans un marché en pleine expansion et aux perspectives attrayantes. D’après une récente étude de la Société financière internationale (SFI), filiale de la Banque mondiale dédiée au secteur privé, sur les compétences digitales en Afrique subsaharienne, 230 millions d’emplois nécessiteront, d’ici à 2030, un certain niveau de compétences numériques sur le continent.

Faut-il rappeler que le chômage touche près de 60 % des jeunes en Afrique et que le continent doit créer près de douze millions de postes supplémentaires pour réduire ce taux endémique, selon la Banque africaine de développement (BAD) ! D’ici 2025, 60% de la population africaine aura moins de 24 ans, et 1/3 des jeunes de la tranche d’âge 15-35 ans au niveau mondial sera africain. L’heure est grave et les défis sont énormes. Urgence signalé