Au Bénin, le soja, principale culture oléagineuse, est désormais interdit d’exportation par voies terrestres vers des marchés étrangers. En vertu du décret n°2022-568 du 12 octobre 2022, cette interdiction, entrée officiellement en vigueur le 1er avril 2024, concerne également la noix brute de cajou.
Cependant, bien avant cette date, l’exportation du soja grain était déjà devenue quasiment impossible depuis deux ans. Le gouvernement avait mis en place plusieurs mesures pour décourager et empêcher toute sortie du produit agricole.
La première mesure a été l’instauration d’une taxe à l’exportation, fixée à 140 FCFA par kilogramme sous l’intitulé de « contribution à la recherche et à la promotion agricole ». Jugée exorbitante par les producteurs et commerçants, cette taxe a poussé certains à opter pour des voies illégales pour exporter leur marchandise.
Face à cette situation, le gouvernement a renforcé les contrôles frontaliers. Des obstacles physiques, tels que des tranchées, des blocs de pierres ou des arbres, ont été installés sur les routes menant aux frontières. De plus, les cargaisons interceptées étaient systématiquement confisquées.
Selon le gouvernement de Patrice Talon, ces restrictions visent à promouvoir la transformation locale du soja grain dans une nouvelle zone industrielle capable de traiter 260 000 tonnes en 2023, avec une capacité projetée de tripler en 2024. L’objectif affiché est de «maximiser la valeur ajoutée dans la filière».
Une question de prix
Ce n’est pas l’existence de cette zone industrielle qui pose un problème aux producteurs et commerçants, mais plutôt les prix de cession imposés. Fixés par le gouvernement, ces prix sont jugés insuffisants par les acteurs du secteur, d’autant plus qu’ils ne bénéficient d’aucune subvention.
Malgré les efforts pour inclure l’Interprofession de la filière soja dans le processus de fixation des prix, les résultats demeurent insatisfaisants. Au Bénin, les prix oscillent entre 170 et 350 FCFA le kilogramme, selon la qualité du soja (bio ou conventionnel). À titre de comparaison, dans les pays voisins, les producteurs peuvent vendre leur soja au double, voire au triple du prix local.
Cette disparité incite les acteurs à rechercher des débouchés externes plus lucratifs. Cependant, les mesures gouvernementales ont progressivement mis fin à ces pratiques depuis deux ans.
Un dialogue tendu
Le 11 avril 2023, le président Patrice Talon a rencontré les acteurs de la filière pour tenter d’apaiser les tensions. Il a annoncé une hausse des prix de cession, passée de 190 à 270 FCFA pour le soja conventionnel et de 320 à 325 FCFA pour le soja bio lors de la campagne 2024-2025. Malgré cette augmentation, les acteurs du secteur restent insatisfaits.
Le 4 décembre 2024, l’Interprofession de la filière a organisé une réunion pour expliquer le mécanisme de commercialisation en vigueur : vente groupée, identification des lieux de stockage, interdiction des achats directs par les commerçants, entre autres.
Lors d’un symposium organisé peu après, les acteurs ont exprimé leur mécontentement. Ils ont exigé un prix minimum de 590 FCFA par kilogramme, la restitution des cargaisons saisies et la suppression des obstacles aux frontières. Ils ont également dénoncé l’implication des forces de l’ordre dans la commercialisation, qu’ils jugent abusive.
Une filière en danger ?
La suppression de certaines mesures, comme la fiche de convoyage pour le transport intérieur, a été annoncée le 30 décembre 2024. Cependant, toute tentative d’approcher une frontière terrestre reste sanctionnée par la confiscation des marchandises.
Les données publiées par la Direction de la Statistique Agricole du ministère de l’Agriculture révèlent une baisse significative de la production. De 520 929 tonnes en 2022-2023, elle est tombée à 421 886 tonnes en 2023-2024, soit une chute de 19 %.
Face à ces chiffres, une question s’impose : les mesures actuelles ne risquent-elles pas de fragiliser durablement la filière soja au Bénin ?