Selon les économistes de Morgan Stanley, le Nigéria, pays le plus peuplé d’Afrique et premier producteur de pétrole du continent, pourrait doubler l’Afrique du Sud d’ici à 2025 en termes de Produit Intérieur Brut et devenir ainsi, la première puissance économique en Afrique. Qui avait dit que la démographie constituait un frein au développement économique?
L’Afrique du Sud (52 millions d’habitants) et le Nigéria (180 millions d’habitants) sont les deux plus grandes puissances économiques du continent africain et représentent à elles seules, plus de la moitié du PIB de l’Afrique subsaharienne. Les deux pays sont souvent en compétition mais souhaitent de plus en plus coopérer et unir leur force à travers des partenariats économiques et échanges commerciaux. Le Nigéria fait appel aux investisseurs Sud-africains pour développer ses régions minières sous-exploitées et l’Afrique du Sud affiche de plus en plus son désir d’une expansion intracontinentale, à commencer par le Nigéria. Par ailleurs, les économistes de Morgan Stanley prévoient que le Nigéria deviendra, au plus tard en 2025, la première économie africaine. Citigroup se montre encore plus optimiste en indiquant que le Nigéria, principal producteur africain de pétrole, se hissera au sixième rang des puissances mondiales en 2040 et au cinquième rang en 2050, devançant même le Brésil. Selon Andrea Masia, économiste associé au bureau de Morgan Stanley à Johannesbourg, le PIB nigérian pourrait atteindre 400 milliards $ en 2016, contre 500 milliards $ pour l’Afrique du Sud. Pourtant, l’économie du Nigéria, avec un taux de croissance de 6,5% en 2012, ne pesait que 173 milliards $ en 2009, soit une progression de 130% en 7 ans. Là où la croissance économique sud-africaine en 2012 n’a été que de 2,5%. Les analystes saluent également le développement au Nigéria, d’un secteur financier sain qui canalise les épargnes. Ainsi, la dette étrangère du Nigéria ne représente que 2% de son PIB contre 20% de son PIB pour sa dette intérieure. Les sceptiques L’optimisme de Morgan Stanley et Citigroup n’est toutefois pas partagé par tous les analystes. Ainsi, la banque britannique HSBC estime quant à elle que le décollage nigérian n’aura pas lieu. Elle considère que ce pays de l’Afrique de l’Ouest ne réussira même pas à se hisser dans le peloton des 25 premières économies mondiales à l’horizon 2050. Les sceptiques pointent également du doigt la corruption qui pèse lourd sur l’économie nigériane. Et l’histoire du Nigéria semble leur donner raison car on estime que sur les 340 milliards $ qu’a rapporté le pétrole (15% du PIB) depuis le début de son exploitation, 50 milliards $ auraient été détournés. L’ONG Global Financial Integrity, dans son étude intitulée «Illicit Financial Flows from Africa: Hidden Resource for Development», affirme que les autres pays africains n’ont pas de leçons à donner au Nigéria en matière de corruption, mais rappelle néanmoins que le phénomène y a pris une ampleur rarement vue ailleurs. Les pessimistes craignent aussi que la richesse du sous-sol nigérian en pétrole, en charbon et en minéraux, ne mène à la formation d’une économie de rente qui aura pour effet de gonfler à outrance l’économie de services, la corruption et une consommation reposant essentiellement sur les importations de biens de luxe occidentaux. Ce qui permettra à une classe oisive de mener un bon train de vie aux dépens de l’industrie manufacturière et des exportations. «Le mal hollandais» Le Nigéria semble aussi souffrir de ce qui est communément appelé le «mal hollandais». En effet, l’attrait des rendements mirobolants et des salaires élevés dans le secteur pétrolier draine les capitaux et les ressources humaines qui, autrement, auraient été consacrés à l’agriculture ou au secteur manufacturier. Le premier boom pétrolier des années 70 a éconduit le gouvernement dans les projets pharaoniques tels des édifices gouvernementaux ou des projets sidérurgiques qui ont incité les paysans et les travailleurs à délaisser l’agriculture et l’industrie manufacturière. Le Nigéria qui disposait d’un important secteur agricole exportateur est maintenant un importateur net d’aliments. Par exemple, le pays qui se classait au premier rang des producteurs africains de poulets avec une production de 40 millions d’individus par an, au début des années 70, n’en produit plus maintenant que 18 millions. Cependant, depuis l’élection de Olusegun Obasanjo en 1999, et maintenant de Goodluck Jonathan, la situation s’améliore. Le secteur de l’agriculture affiche une croissance de 5 à 6% par année et comptera ¢bientôt pour environ 50% de l’économie, un seuil qu’on n’avait pas observé depuis longtemps.