Dans le cadre du Grand Entretien du prochain numéro du magazine de l’Afrique en mouvement, African Business Journal, bi-mensuel africain, fondé en 2012 et présent dans près d’une trentaine de pays africains et sur la toile, a bien voulu s’entretenir avec notre rédacteur en chef .
Pourriez-vous nous parler de la dynamique actuelle des échanges commerciaux au sein des pays de l’Organisation de la Coopération Islamique (OCI) et de leur impact sur le développement régional ?
La dynamique actuelle des échanges commerciaux au sein des pays de l’Organisation de la Coopération Islamique (OCI) montre une tendance croissante à la diversification économique et à l’intégration régionale.
En effet, le commerce intra-OCI a atteint en volume plus de 883 milliards de dollars d’échanges commerciaux en 2023 en hausse de 59 % par rapport aux volumes d’échanges réalisés en 2016.
En termes d’intégration régionale, le commerce intra-OCI atteint un taux d’intégration de 19,16 %. Par ailleurs, plus de 27 Pays Membres de l’OCI ont d’ores et déjà dépassé la barre des 25 % en termes de commerce intra-OCI, en accord avec l’objectif défini dans le cadre du plan d’action de l’OCI horizon 2025
Les principaux produits du commerce intra-OCI sont les huiles de pétrole ou de minéraux bitumeux, l’or, l’huile de palme, le Gaz, les articles de bijouterie, les polymères d’éthylène et les voitures de tourisme.
Ces échanges renforcent les économies locales, favorisent l’emploi et stimulent le développement régional en facilitant l’accès à de nouveaux marchés pour les produits et services. L’impact sur le développement régional est significatif, car il contribue à réduire la pauvreté, à améliorer les infrastructures et à promouvoir l’innovation.
En tant que directrice générale du Centre Islamique pour le Développement du Commerce (CIDC), quelle vision stratégique développez-vous pour promouvoir le commerce et l’investissement entre les pays membres ?
La nouvelle vision du CIDC vise à renforcer la coopération économique entre les pays membres à travers l’amélioration des cadres réglementaires, l’encouragement de l’entrepreneuriat, et la facilitation des échanges commerciaux et des investissements, à travers des projets structurants avec des impacts concrets et mesurables. Notre stratégie vise également la promotion des normes et standards et le renforcement des capacités institutionnelles et du secteur privé de nos Etats Membres. Cette stratégie s’articules autours de 4 axes intégrés et complémentaires :
- Promotion du commerce et des investissements ;
- Facilitation du commerce ;
- Renforcement des capacités ;
- Et intelligence économique.
Quelle est l’importance de l’économie halal dans le contexte global actuel et comment le CIDC soutient-il son expansion parmi les pays de l’OCI ?
L’économie halal joue un rôle de plus en plus central dans le contexte global actuel, touchant divers secteurs tels que l’alimentation, la finance, le tourisme, et la pharmacie. Ce secteur présente de réelles opportunités pour les pays de la zone.
Le CIDC soutient l’expansion de ce secteur dans les pays de la région à travers divers projets, en soutenant des programmes de certification des produits halal, en organisant des foires commerciales internationales, en facilitant les rencontres B2B entre entreprises des pays membres et en mettant à la disposition des opérateurs du secteur un rapport sur l’économie du Hallal dans la zone ainsi qu’un Dashboard permanent sur le secteur disponible sur le site web du Centre.
Les pays membres de l’OCI sont-ils suffisamment représentés sur le marché de l’économie halal ?
Bien que les pays membres de l’OCI aient fait des progrès dans le marché de l’économie halal, il reste encore du chemin à parcourir pour assurer une représentation et participation pleine et entière.
Les dépenses mondiales des consommateurs des produits halal (alimentation, produits pharmaceutiques, cosmétiques, voyages, mode, médias et loisirs…) sont passées de 2 000 milliards de dollars en 2021 à 2 290 milliards de dollars en 2022, pour un marché estimé à 2 milliards de personnes. Un marché dominé par des pays non-membres de l’OCI à leur tête les USA, la Chine, la Russie, le Brésil, UK et l’Argentine. Seuls trois pays de l’OCI (Turquie, Indonésie et Malaisie) ont fait partie des 20 premiers exportateurs de produits de l’économie halal.
Concernant les États membres de l’OCI, ils ont enregistré un déficit commercial de 63 milliards de dollars US pour les produits de l’économie halal en 2021, couvrant l’alimentation, la mode, les produits pharmaceutiques et les cosmétiques, avec des exportations équivalant à 275 milliards de dollars US et des importations totalisant 338 milliards de dollars US. Seulement 18 % de ces importations provenaient d’autres États membres de l’OCI. Le potentiel d’extension de ce secteur dans les pays membres de l’OCI demeure extrêmement important.
Les principaux défis incluent la standardisation des certifications halal, le manque de financement pour les PMEs, la nécessité d’une plus grande sensibilisation aux potentiels de ce marché ainsi que la mise en place de stratégies industrielles adéquates pour le développement de ce secteur. Le CIDC, de par sa vocation est disposé à les accompagner à ce sujet.
Les événements « Invest in » à venir, notamment en Gambie, au Cameroun, et dans d’autres pays de l’Afrique subsaharienne ont pour but de dynamiser les échanges et les investissements entre les pays de l’OCI. Quelles opportunités spécifiques ces événements visent-ils à promouvoir ?
Les événements « Invest in » visent à mettre en avant les opportunités spécifiques d’investissement et de commerce dans les pays hôtes, en mettant l’accent sur des secteurs clés comme l’agriculture, l’énergie renouvelable, et le tourisme, en les promouvant auprès des investisseurs potentiels des autres états membre de l‘OCI.
Ces événements cherchent à attirer des investisseurs internationaux et à stimuler la coopération Sud-Sud.
Comment le CIDC contribue-t-il à la préparation et à la réussite de ces événements « Invest in » pour assurer qu’ils atteignent leurs objectifs de développement commercial et d’investissement?
Pour assurer le succès de ces événements, le Centre Islamique pour le Développement du Commerce joue un rôle clé dans la mise en relation des gouvernements hôtes avec des investisseurs intéressés et des entités financières, en ciblant les investisseurs répondant aux offres de valeurs des pays hôtes. De plus, il fournit un soutien essentiel en termes de logistique et de promotion, visant à augmenter la visibilité et l’efficacité de ces initiatives.
Comment le CIDC mesure-t-il l’impact de ses programmes et initiatives sur le développement économique des pays membres ?
Le CIDC mesure l’impact de ses programmes à travers des indicateurs de performance clés tels que l’augmentation du volume du commerce intra-OCI, le nombre d’entreprises bénéficiant de ses programmes, et l’impact des investissements sur le développement économique local, la réduction des couts ainsi que la durée des processus des exportations et des importations à travers notamment la digitalisation des processus.
Quelles sont les perspectives pour le CIDC et comment envisagez-vous son évolution dans les prochaines années ?
Les perspectives pour le CIDC incluent l’expansion de ses programmes pour soutenir l’innovation et l’entrepreneuriat, l’amélioration de l’intégration économique entre les pays membres, et le renforcement de sa position comme catalyseur du développement économique dans l’espace de l’OCI.
Prenant en considération la situation économique mondiale post covid ainsi que ainsi que les évolutions géostratégiques récentes qui impactent considérablement l’économie mondiale et plus particulièrement les pays en développement et les PMA, le CIDC a ajusté ses programmes pour mieux répondre aux besoins de plus en plus pressants de ses membres. Aussi, outre la promotion et la facilitation du commerce et de l’investissement qui demeurent au centre des activités du Centre, des programmes spécifique et ciblés seront implémentés à partir de l’année 2024. Il s’agit notamment d’un programme innovant sur l’autonomisation économique de femmes en Afrique subsaharienne, la promotion de projets relatifs à la sécurité alimentaire dans la région et Le renforcement de l’investissement dans le secteur de la santé en soutenant l’innovation.
La plateforme d’investissement que le CIDC s’apprête à lancer pour promouvoir la sécurité alimentaire est une initiative importante. Pouvez-vous nous expliquer la vision derrière cette plateforme et comment elle fonctionnera ?
La plateforme d’investissement spécifique que le CIDC est en cours de développer vise à promouvoir la sécurité alimentaire à travers l’innovation et l’investissement dans l’agriculture durable et les technologies alimentaires. Elle fonctionnera comme un hub connectant investisseurs, innovateurs, et entrepreneurs pour faciliter les échanges, les investissements et les collaborations.
L’innovation est essentielle pour le progrès. Comment le CIDC soutient-il l’innovation dans le secteur de la santé au sein des pays membres ?
Pour renforcer l’investissement dans le secteur de la santé, le CIDC prévoit de lancer des initiatives visant à améliorer l’accès aux financements pour les projets de santé et particulièrement ceux portés par les PMEs et les startups de la région, à promouvoir les partenariats public-privé, et à encourager la recherche et le développement dans les technologies de la santé.
Votre programme d’autonomisation économique des femmes est très ambitieux. Quels sont les principaux objectifs de ce programme et comment envisagez-vous de les atteindre ?
Le programme d’autonomisation économique des femmes vise à promouvoir l’entrepreneuriat féminin, à faciliter l’accès des femmes aux ressources financières et éducatives, et à soutenir les politiques favorisant l’égalité des genres dans le monde des affaires.
Le CIDC propose un programme visant à soutenir l’autonomisation des femmes, contribuant ainsi à une croissance plus forte, durable et inclusive. Ce programme favorisera la coopération entrepreneuriale féminine, notamment à travers la promotion d’initiatives pilotes prometteuses qui démontrent leur contribution à la croissance inclusive.
Il est attendu que le programme facilite le développement de plusieurs clusters innovants de PME et de coopératives dans les pays subsahariens, pour tirer parti des opportunités communes découlant d’une coopération et d’une intégration plus étroites, y compris le renforcement des capacités des institutions locales pour offrir des services et une assistance sur mesure. Le projet garantira également une forte appropriation par les autorités nationales afin d’intégrer la promotion des clusters et des liens commerciaux dans les cadres nationaux et régionaux de développement du secteur privé et, potentiellement, de répliquer l’expérience du projet à une échelle plus large.
Quel rôle le CIDC joue-t-il dans la promotion de l’égalité des genres et l’autonomisation des femmes dans les économies des pays de l’OCI ?
Le CIDC joue un rôle crucial dans la promotion de l’égalité des genres en collaborant avec les gouvernements et les organisations non gouvernementales pour intégrer les perspectives de genre dans les politiques commerciales et d’investissement. Le CIDC met en œuvre des programmes spécifiquement conçus pour soutenir directement les femmes entrepreneures. Ces programmes ciblent les propriétaires de petites et moyennes entreprises (PMEs) ainsi que les cheffes de coopératives, offrant un éventail de ressources pour les aider dans leur développement professionnel et commercial. Cela comprend des formations en gestion d’entreprise, en leadership, et en compétences numériques, ainsi que l’accès à des réseaux de mentorat, à des financements adaptés et à des opportunités de marché qui peuvent être particulièrement bénéfiques pour les femmes dans l’économie mondiale.
Comment le CIDC collabore-t-il avec d’autres organisations internationales et régionales pour atteindre ses objectifs de développement du commerce et d’investissement ?
Le CIDC collabore étroitement avec d’autres organisations internationales et régionales pour harmoniser les efforts de développement du commerce et de l’investissement, en partageant les meilleures pratiques, en coordonnant les initiatives, et en mobilisant des ressources financières.
L’objectif étant de capitaliser sur les efforts déjà déployés par les autres organisations internationales dans ce domaine et d’optimiser les ressources financières et humaines orientées vers ces projets.
Quel message souhaiteriez-vous adresser aux entrepreneurs et aux investisseurs au sein des pays de l’OCI à travers notre revue ?
Aux entrepreneurs et investisseurs opérant au sein des pays de l’Organisation de la coopération islamique (OCI), une invitation est lancée pour embrasser l’innovation avec audace, explorer activement les opportunités d’investissement durable, et engager une collaboration transfrontalière pour débloquer le potentiel économique immense de la région. Cette démarche ne se limite pas uniquement à reconnaître les défis actuels, mais aussi à anticiper les besoins futurs des marchés, en mettant un accent particulier sur les technologies vertes, les solutions de santé numérique, et les infrastructures durables, qui représentent des secteurs clés pour les investissements à venir.
Les pays membres de l’OCI, grâce à leur diversité culturelle, géographique et économique, offrent un terrain fertile pour l’innovation et l’investissement dans un éventail de secteurs allant de l’énergie renouvelable à la fintech, en passant par l’agriculture intelligente et les technologies éducatives. Cette diversité crée un environnement unique pour les investisseurs à la recherche de nouvelles opportunités dans des marchés émergents et en développement. En investissant dans ces secteurs, les entreprises peuvent non seulement réaliser un retour sur investissement significatif mais aussi contribuer au développement durable de la région.
En quoi la collaboration entre les pays membres de l’OCI peut-elle être améliorée pour soutenir les objectifs communs de développement économique et commercial ?
La collaboration entre les pays membres de l’OCI peut être améliorée par une communication plus efficace, la mise en place de mécanismes de financement régionaux, et le développement de projets d’infrastructure transfrontaliers qui bénéficient à plusieurs pays.
Pour faciliter ces investissements, il est également essentiel de mettre en place des cadres réglementaires favorables, de développer des partenariats stratégiques et d’encourager le partage de connaissances et de technologies entre les pays de l’OCI. En outre, en s’engageant dans des projets d’investissement durable, les entrepreneurs et les investisseurs peuvent jouer un rôle crucial dans la promotion de l’inclusion sociale et économique, contribuant ainsi à la stabilité et à la prospérité de la région.
Quelle est l’importance des technologies et de la numérisation dans la stratégie du CIDC pour le développement du commerce et de l’investissement ?
Les technologies et la digitalisation sont essentielles pour moderniser les infrastructures et processus commerce international, améliorer l’accès aux marchés, et favoriser l’innovation. Le CIDC s’engage à soutenir l’adoption de ces technologies à travers tous ses programmes.
Enfin, quel conseil donneriez-vous aux jeunes entrepreneurs des pays de l’OCI qui aspirent à contribuer au développement économique de leur pays ?
Aux jeunes entrepreneurs, je conseille de rester curieux, de se former continuellement, d’adopter une approche collaborative, et de ne pas craindre d’échouer, car c’est à travers ces expériences qu’ils trouveront les clés du succès et contribueront significativement au développement économique de leur pays.