A l’issue de l’audience spéciale, du 23 mai 2023, qui a duré de 9h30 à 3h30, le lendemain, la chambre criminelle du Tribunal hors classe de Dakar a mis en délibéré sa décision au 1er juin 2023, dans l’affaire de viol présumé de la demoiselle Adji Rabi Sarr par l’opposant politique Ousmane Sonko, leader du Pastef et non moins maire de la ville de Ziguinchor. Le déroulé du procès, sans l’accusé principal et son pool de 30 avocats, a révélé une parodie de justice.
Daouda MBaye, rédacteur en chef
Au Sénégal, les procès contre l’opposant Ousmane Sonko, chef du parti politique Pastef (Patriotes africains du Sénégal pour le travail, l’éthique et la fraternité) et maire de Ziguinchor, ville située à 450 km au sud de Dakar au Sénégal, se suivent et se ressemblent. Le dernier en date, déjà prévu le 16 mai, puis reporté au 23 mai, sur un viol répétitif présumé et supposées menaces de morts d’une masseuse du salon Sweet Beauty, a eu lieu mardi sans sa présence. Après les différentes péripéties, ponctuées d’intimidations, d’attaques brutales, de brimades et de ce qu’il a qualifié de tentatives d’assassinats sur sa personne -un laboratoire a décelé une substance létale qui lui a été aspergée par un agent des forces de sécurité spéciales sénégalaises- lors de ses processions vers et/ou du tribunal, le président de ce parti politique a finalement décidé d’opposer une désobéissance civique à ce qu’il considère comme une justice aux ordres de l’Exécutif…
Un simulacre de procès
Mardi 23 mai, le juge Issa Ndiaye a pris la décision de siéger sans le principal accusé. Ousmane Sonko est en effet resté dans sa maison à Ziguinchor, protégé par ses partisans qui ont subi stoïquement, jusque tard dans la nuit, les assauts d’agents de police et de gendarmerie pilonnant son quartier et sa maison de gaz lacrymogènes, de chevrotines et de LBD (lanceurs de balles de défense) ou flashballs interdits en France. Le prévenu, qui a signifié n’avoir reçu aucune convocation, a soutenu dans sa déclaration d’hier que rien ne justifiait cet acharnement. Aussi, Me Ciré Clédor Ly, l’un de ses avocats, a défié quiconque qui peut prouver le contraire, ajoutant qu’aucune ordonnance leur a été notifié dans ce sens. Ainsi, son absence expliquant cela, le procès s’est tenu sans ses avocats. Quant à ceux de Mme Ndèye Khady Ndiaye, propriétaire du salon Sweet Beauty, qui répondait aux chefs d’accusation de complicité de viol et d’incitation à la débauche, ils ont quitté la salle, en solidarité à ceux du leader du Pastef, refusant de participer à ce qu’ils prennent comme un simulacre judiciaire.
Figurez-vous que c’est cette dame, enceinte de 8 mois, qui va tenir tête, toute seule, à la fois au parquet, à la partie civile et aux juges du siège, pendant les 19 h de tour d’horloge, à peine interrompues par quelques pauses éparses. Pendant le procès, tous les témoins, excepté Seynabou Ngom, prétendue, masseuse au salon, que la propriétaire ne connait pas et qui ne figure nulle part dans le dossier remis par le juge d’instruction Maham Diallo, et Sidy Ahmed Mbaye, neveu de Maodo Malick Mbaye, un des responsables de l’APR (parti au pouvoir) ont été à décharge. Il s’agissait du Dr Alfousseyni Gaye, gynécologue, du Capitaine de gendarmerie Cheikh Oumar Touré- radié depuis- de la co-masseuse Mama Aïssata Ba, de Mme Tall, ex-patronne de la présumée violée.
La calomnie en lieu et place de preuves
Relativement aux preuves que la supposée victime et sa défense avaient promises, il n’y eut à la place qu’une litanie de propos indécents dignes de films pornographiques bestiaux… mais surtout d’incohérences et de contrevérités, à telle enseigne que le Juge Issa Ndiaye dut demander à Adji Sarr, si le sieur Ousmane Sonko avait le don d’ubiquité pour la « violer », le soir du 31 décembre, et être en même temps sur les plateaux d’une chaine de télévision de la place ?
Au cours de ce procès, deux éléments déterminants, à savoir le certificat médical produit par le gynécologue, Dr Alfousseyni Gaye, et le procès-verbal originel de la gendarmerie, remis du reste au juge par le Capitaine Touré, ont fini par convaincre la grande masse du peuple sénégalais. Des conversations audios enregistrées par la plaignante et par son confident (Aboubacar Niass, alias MC Niass, en exil volontaire aux Etats Unis d’Amérique, craignant pour sa sécurité), de vaines tentatives de corruption, d’intimidations et de menaces de mort des témoins à décharge ont fini par conforter la majorité des Sénégalais et des observateurs dans ce qui est qualifié de complot politique pour éliminer un adversaire politique.
Le comble est qu’une certaine presse a jugé utile de faire dans la désinformation, publiant, mercredi 24 mai 2023, des propos contraires à ceux du gynécologue en audience. Ce dernier n’a pas tardé à rendre public un communiqué dans lequel, il souligne, entre autres ! « Je n’ai décelé ni liquide séminal, ni sperme. Les prélèvements effectués ce jour-là sont uniquement des sécrétions vaginales. J’ai également bien mentionné l’absence de lésions vulvaires. Cette constatation ne me permet pas de conclure à une activité sexuelle récente. Aussi, elle n’a présenté aucun stigmate de traumatisme physique ou psychologique susceptible d’être signalé ». Dr Alfousseyni Gaye maintient, contrairement aux dires de Adji Sarr « j’ai été défloré par lui… » que cette dame a perdu son hymen depuis plusieurs années et n’avait pas eu de rapports sexuels dans les 72 h précédant les prélèvements dans son cabinet. https://bit.ly/436bQx0
En 2021, dans une sortie médiatique, entourée du chef de file de ses avocats, Me El Hadji Diouf, interviewée par plusieurs journalistes, Adji Sarr prétendait être enceinte. Jusqu’à hier, on attendait toujours sa parturition.
Un combat entre probité et concussion
Doit-on rappeler que ce procès a déjà coûté au Sénégal au moins une vingtaine de morts, dont la plupart ont moins de 25 ans, durant des émeutes successives, après que l’Etat ait voulu outrepasser son usage légitime de la violence- le mois de mars 2021 est passé par là- des milliards f CFA de pertes de biens matériels, sans compter les vies brisées de blessés par centaines et d’heures de travail perdues à jamais ? Est-ce le moment opportun, dans un Sénégal qui ne demande que plus de concorde pour exploiter ses ressources, au profit d’abord de ses fils et filles, mais aussi du monde ? Apparemment aux yeux du régime en place depuis 2012, le seul tort de Ousmane Sonko et son parti est de plaider pour une souveraineté recouvrée, un contrôle des ressources pour un développement inclusif du Sénégal. Si c’est encore à l’état d’hypothèses, d’aucuns opposent cette vision à une concussion qui gangrène moult projets actuels, un Plan Sénégal Emergent, émergent que de nom, une gestion clanique -il est loin le slogan « La patrie avant le parti » – et des institutions dévoyées ! Comment se fait-il qu’en près de 12 ans de règne, seulement 36 km de rail électrique n’ont été posés pour la bagatelle de 1 000 milliards f CFA, que des malversations soient décelées dans la gestion du fonds Force Covid de 1 000 milliards, que les 49 milliards du Prodac n’aient pas encore généré les domaines agricoles communautaires envisagés encore moins les milliers d’emplois attendus… ? Autant d’interrogations aux réponses négatives qui risquent, si on n’y prend garde de transformer ce pays, Pays de la Teranga, jusque-là havre de paix et sinécure, en un antre de désœuvrement. L’opposant Ousmane Sonko et ses partisans vont faire fi de la décision de la chambre criminelle du tribunal hors classe de Dakar, d’ores et déjà, il annonce son retour à Dakar et une Caravane de liberté, en substitution des étapes de son Nemeeku Tour (visite de proximité), plusieurs fois gazées par des gendarmes et policiers prétextant le maintien de l’ordre. Il faut noter que la popularité de cet opposant dérange au plus haut point le pouvoir en place et il n’hésite pas à disperser les masses qui le suivent partout y compris lors de funérailles.