La récente enquête sur le financement du commerce en Afrique et son évolution durant la pandémie de Covid-19, initiée par la Banque africaine d’import-export (Afreximbank), en collaboration avec la Commission économique des Nations unies pour l’Afrique (CEA-ONU), la Banque africaine de développement (BAD) et Making Finance Work for Africa Partnership (MFW4A), a été publiée dans un rapport et fait l’objet d’un e-débat, le 15 avril 2021. 

Le resserrement des conditions financières mondiales a fini par provoquer des sorties de capitaux d’Afrique de plus de 5 milliards de dollars, au premier trimestre 2020. Des fuites massives de capitaux ont mis à rude épreuve les banques africaines, dont beaucoup ont enregistré une chute importante de leurs devises. Ceci a exacerbé les contraintes liées aux liquidités et freiné la capacité des banques à financer le commerce africain. C’est par ces propos que le professeur Benedict Oramah, président d’Afreximbank, a introduit le forum digital qui a illustré le dernier rapport d’enquête conjointe entre diverses institutions et pilotée par Afreximbank. L’étude qui a porté sur 185 banques africaines, représentant 58 % du total des actifs détenus par les banques du continent et portant sur janvier et avril 2020, permet de comprendre le financement du commerce en Afrique et son évolution durant la pandémie de Covid-19.

Comme l’a bien souligné le président d’Afreximbank, l’offre de financement du commerce a été affectée par à la fois la pandémie et le resserrement consécutif des conditions de financement, des pressions accrues sur la balance des paiements et des contraintes de liquidités. Ainsi, le nombre de relations avec des correspondants bancaires a diminué dans toute la région et le rejet des demandes de lettres de crédit a augmenté d’environ 38 % pour les banques locales/privées et de 30 % pour les banques étrangères, signalant une augmentation des taux de rejet. C’est ce qui ressort du rapport qui souligne entre autres que sur un volume total du commerce africain à 1 077 milliards de dollars, les banques n’en assurent l’intermédiation qu’à hauteur de 417 milliards de dollars, soit environ 40 %, alors que la moyenne mondiale est de 80 %… Le rapport a préconisé un meilleur dialogue entre les banques centrales et l’industrie, l’essor de la numérisation et de l’adoption des technologies, ainsi que l’accès à de meilleures données pour mieux comprendre et évaluer les risques.
Enfin, il souligne le rôle que le financement du commerce pourrait jouer pour surmonter les répercussions sociales et économiques de la pandémie de Covid-19, afin d’accélérer la reprise économique en accroissant les échanges commerciaux et les investissements.

Un riche débat
Au cours des échanges qui ont ponctué l’e-conférence portant sur le rapport d’enquête, Dr Vera Songwe Secrétaire exécutive de la Commission économique des Nations unies pour l’Afrique, n’a pas omis de louer les efforts d’Afreximbank, notamment pour les mesures anticycliques qu’elle avait prises afin d’aider les pays à faire face aux conséquences économiques et sanitaires de la pandémie de Covid-19. Elle a particulièrement salué le rôle majeur joué par cette banque qui a mis sur pied une facilité de 2 milliards de dollars pour aider les États membres africains à acheter jusqu’à 400 millions de doses de vaccins anti- Covid-19. A ces institutions bancaires, capables de mobiliser cinq ou six fois ce capital et de déployer beaucoup plus de ressources pour relancer l’économie africaine, elle a sollicité les leaders africains, notamment les gouverneurs de Banque centrale, les ministres des Finances et les partenaires de développement, pour un soutien plus conséquent.
Justement, Amr Kamel, Vice-président exécutif du Développement commercial et de la Banque d’affaires à Afreximbank, a souligné le fait que le Dispositif d’atténuation des effets de la pandémie sur le commerce (PATIMFA) avait apporté une aide précieuse aux banques, leur permettant de régler les paiements échus et d’éviter les défauts de paiement. Il a alors rappelé quelques-unes des initiatives clés, mises en œuvre par la Banque pour faire face aux contraintes liées aux liquidités et stimuler le commerce africain, telles que le Système panafricain de paiements et de règlements (PAPSS) et le Programme de facilitation du commerce et du financement du commerce d’Afreximbank (AFTRAF) visant notamment à développer les relations de banque correspondante des banques africaines.

Un plaidoyer pour plus de concours à l’économie
Dans tous les cas, Dr Hippolypte Fofack, économiste en chef à Afreximbank, a rappelé la nécessité d’accroître durablement l’offre de financement du commerce dans la région, confiant que cet appui est le moteur du commerce et jouera un rôle clé dans la reprise et la transformation structurelle des économies africaines, afin de mieux préparer la région aux futures crises mondiales.

Si Bola Adesola, Vice-présidente pour l’Afrique de Standard Chartered, a insisté sur la nécessité d’augmenter le nombre d’entreprises sur le continent, afin de développer le commerce extra-africain et inter-africain ainsi que la participation des banques, avec la Zone de libre-échange continental africaine (ZLECAf) en appoint via une plateforme pour stimuler le commerce, Ebson Uanguta, sous-gouverneur de la Banque centrale de Namibie (Banque de Namibie), a de son côté plaidé pour des interventions audacieuses et rapides de l’État pour aider les banques à accompagner les entreprises et éviter les faillites face à une crise profonde. Cette dernière a précisé : « La plupart des secteurs économiques ont été gravement touchés et nous avons pris plusieurs mesures pour soutenir l’économie en général et le financement du commerce en particulier, notamment l’assouplissement de la politique monétaire, l’allègement des exigences réglementaires et l’institution de moratoires sur le remboursement des prêts à hauteur de 619 millions de dollars ».
Quant à Mervat Soltan, PDG de la Banque de développement des exportations d’Égypte, elle a mis l’accent sur la forte adoption des services numériques de sa banque durant la pandémie. Elle a soutenu que son pays est l’un des rares où la production a augmenté dans un contexte de ralentissement mondial. De son avis, la numérisation, qui a soutenu la croissance des entreprises et du commerce pendant la pandémie, offre une excellente opportunité de réduire les coûts et d’accroître l’utilisation des facilités de financement du commerce… et devrait faire partie intégrante de la stratégie de développement du commerce africain après la Covid-19.
Pour l’ingénieur Hani Salem Sonbol, Directeur général de l’International Islamic Trade Finance Corporation (ITFC), un des partenaires d’Afreximbank, la collaboration internationale reste de mise, même si les crises incitent d’instinct au repli sur soi. Il défend que la réponse en Afrique à la crise s’est articulée autour de trois axes « en R » : Réagir face à la pandémie, aider à la Reprise et Relancer l’économie.