Les besoins en infrastructures sont immenses en Afrique. Le continent doit miser davantage sur la science pour former des ingénieurs capables de relever ses nombreux défis.
Plusieurs pays africains ont mis en place des programmes économiques pour aspirer à l’émergence dans les vingt, voire trente prochaines années, à travers la création de richesses, le renforcement de l’équité sociale et l’intensification du développement durable. Pour réaliser ces objectifs, faudrait-il encore disposer d’un personnel qualifié. Malheureusement, c’est là où le bât blesse. L’Afrique accuse un retard important dans ce domaine. Beaucoup de pays ne comptent pas une masse critique de techniciens dans des secteurs à forte croissance tels que les télécoms, les BTP, l’énergie, les industries manufacturières, ou encore l’exploitation minière.
Bon nombre de futurs cadres et experts proviendront des universités qui peinent déjà à dispenser un enseignement de qualité faute de moyens. Peu d’États investissent dans l’enseignement supérieur. En Afrique de l’Ouest par exemple, seuls le Sénégal et le Ghana font figure d’exceptions en lui consacrant plus de 1% de leur PIB (produit intérieur brut), selon le dernier rapport de l’Unesco sur la science dans le monde publié en 2015. D’après l’organisme onusien, ce faible niveau d’investissement a entrainé, ces dix dernières années, l’émergence d’écoles privées «qui représentent aujourd’hui plus de la moitié des universités dans certains pays de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao)».
Faible engouement pour les sciences
À cela s’ajoute le problème d’accès à ces temples du savoir. Dans cette même région, le taux brut moyen de l’enseignement supérieur était de 9,2% en 2012, le Cap-Vert sort du lot avec un taux de 20,6%. En Afrique de l’Est, plus de la moitié des pays enregistrent un taux inférieur à 30% au niveau de l’enseignement secondaire et supérieur.
L’analphabétisme et la déperdition scolaire rendent les choses plus complexes. En Afrique de l’Ouest, seuls 2/3 des jeunes âgés de 15 à 24 ans, soit 67,2%, savent lire et écrire. Dans l’espace Cedeao, on comptait 17 millions d’enfants non scolarisés en 2012. Beaucoup d’élèves ne poursuivent pas leurs études primaires jusqu’à terme, exceptés ceux du Ghana et du Cap-Vert, deux pays qui présentent des taux d’achèvement de plus 90%.
En général, l’engouement pour les filières scientifiques n’est pas très développé, en particulier au niveau des doctorants en sciences, avec notamment 58 au Burkina Faso et 57 au Ghana, et 36 au Mali et seulement 1 au Niger en 2011. «Seul le Ghana dispose d’une masse critique de doctorants dans le domaine agricole (132 en 2012). Une situation qui ne présage rien de bon pour le développement agricole de la sous-région», prévient l’Unesco. Une statistique très préoccupante au vu de l’immense potentiel agricole du continent et les programmes majeurs développés par de grandes institutions comme la BAD.
Déployer la formationà grande échelle
L’inadéquation entre la formation et les besoins du marché constitue un handicap pour les étudiants des filières scientifiques. Ils développent de bonnes aptitudes en mathématiques, sciences physiques, ou sciences de la Vie, mais peinent souvent à trouver un emploi qui corresponde à leur profil. Pour renverser cette tendance, la Banque mondiale a lancé en 2014 le projet de création de centres d’excellence africains pour financer la recherche et la formation dans 19 grandes universités implantées dans les huit pays de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (Uemao). Un programme qui a bénéficié d’un prêt de 150 millions de dollars du gouvernement américain. L’Association des universités africaines devait s’occuper de la coordination et du partage de connaissances entre ces différents établissements.
La formation à grande échelle, c’est aussi l’objectif du réseau d’excellence des Sciences de l’ingénierie de la francophonie (Rescif) qui regroupe 14 universités francophones issues de onze pays. Il a tissé des partenariats avec cinq établissements dont quatre en Afrique subsaharienne: l’École supérieure polytechnique (ESP) de l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar, l’École nationale supérieure polytechnique de Yaoundé, l’institut polytechnique Felix Houphouët-Boigny en Côte d’Ivoire, et 2iE à Ouagadougou. Rescif souhaite initier les jeunes ingénieurs de ces établissements aux technologies de pointe dans les secteurs de l’eau, de l’énergie et de la nutrition. Ces établissements prévoient aussi de mettre en place des laboratoires communs et de faciliter les échanges de chercheurs et d’étudiants.