L’entrepreneuriat social connait un engouement sans précédent, en Afrique comme ailleurs. Aujourd’hui, le continent regorge de talents variés et éclectiques dans tous les domaines d’activité et particulièrement dans le digital.
Ce foisonnement de projets dans toutes les sphères de l’économie illustre cette vitalité créatrice de la jeunesse africaine. Mais il illustre également le fait que capitalisme et social ne sont guère antinomiques, et pour cause.
En effet, un tour d’Afrique des start-up et autres innovations laisse apparaître une prédominance d’innovations dans les domaines de l’agriculture, de la santé, de l’éducation, comme pour venir en écho ou en réponse aux besoins les plus importants du continent. Ces projets ont un impact sociétal indéniable et commencent déjà à «disrupter» la vie d’Africains grâce notamment aux technologies de l’information et de la communication. Songez à cet agriculteur qui reçoit par SMS des conseils sur les semences les plus appropriées voire des «push» vocaux pour les illettrés, à la jeune maman qui est informée par message vocal du rappel des vaccinations de son bébé, à cet élève qui, dans une zone sous équipée en écoles, peut suivre des cours de mathématiques avec les meilleurs professeurs sur une chaîne YouTube comme École au Sénégal…
Rappelons que le continent avec une population de 1 milliard d’habitants compte déjà plus de 800 millions de détenteurs de cartes SIM et autant de téléphones. Gageons que le renouvellement du parc de téléphones en smartphones amplifiera la révolution des services mobiles, money banking, e-santé, entre autres, déjà enclenchée avec des services comme Mpesa et autres Orange Money.
Mais la particularité de toutes ces innovations c’est le souci d’aider son prochain, d’être solidaire de ceux qui n’ont pas accès aux services de base. Les difficultés que rencontre le continent, plutôt que de décourager, stimulent l’ingéniosité des jeunes qui se surpassent pour trouver, avec peu de moyens et un écosystème pas toujours favorable, des solutions appropriées à leur environnement.
Ayant visité une dizaine de pays africains ces derniers mois en préparation de Hub Africa, j’ai eu à pitcher des centaines de projets. J’ai été frappé par le fait qu’aucun des jeunes entrepreneurs entendus à qui le jury posait la question «Qu’est-ce qui vous motivé à persévérer dans l’entrepreneuriat en dépit de la modicité des moyens et de l’assistance à votre projet ?», aucun n’a répondu, «Je veux être riche et gagner beaucoup d’argent» ; mais plutôt «Je veux apporter ma contribution, je veux éradiquer l’abandon scolaire, je veux aider ma communauté.» À travers sa démarche, cette nouvelle génération d’entrepreneurs africains redonne sens aux termes bienveillance, solidarité et utilité.
Comme l’a brillamment démontré l’économiste hongrois Polany, dans son ouvrage «La grande Transformation», en décryptant la grande mue du capitalisme dans les années 1930, c’est à la cupidité et à la violence du capitalisme désencastré, c’est-à-dire déconnecté de l’utilité sociale, que nous devrons la fin de la civilisation, et certainement pas au dividende démographique.
Il y a donc de bonnes raisons d’espérer !
Par Alioune Gueye