Dans le précédent numéro, nous vous partagions les six premières leçons que nous enseigne cette crise du Covid-19. Dans ce numéro, nous vous livrons les 4 leçons suivantes.

Leçon 7 : Jusqu’à présent, beaucoup partageaient la croyance que le leadership était inné ou acquis.

Le Covid 19, comme toute autre crise systémique, se caractérise par son caractère incertain, donc imprévisible. Les leçons du passé ne sont d’aucun secours pour affronter ce type de crise. Le leader quel qu‘il soit se caractérise par sa capacité à décider vite et bien. Or, en période d’incertitude, il est illusoire de disposer de toute l’information nécessaire à la prise de décision. Dès lors, le cycle classique (planification, organisation, expérimentation, implémentation et évaluation) est trop long et inadapté et doit céder le pas au couple itératif action-apprentissage entrecoupé de mises à niveau régulières en information. La crise révèle donc des leaders situationnels, qui comptent 7 qualités distinctives (John A. Quelch) : le Calme, la Communication, la Compassion, la Confiance, la Collaboration, la Communauté et le Cash. Le Premier ministre néo-zélandais, Jacinda Ardern, est une des figures de cette nouvelle génération de leaders. A nouveaux mondes, nouveaux leaders !

Leçon 8 : Donner sa pleine place au facteur «C», je veux dire Culturel

Beaucoup de pays d’Europe du Nord et d’Asie n’ont eu aucune difficulté à respecter les gestes barrières. Et pour cause, leur culture est une culture qui privilégie la distanciation sociale, les accolades, les étreintes et les interactions physiques qui y sont réduites au minimum même au sein des familles. À l’inverse, dans les familles africaines, la proximité sociale ou physique est la règle et on y rencontre plus de difficultés à faire respecter les fameux gestes barrières. Dans ces sociétés, l’individu n’existe qu’à travers la communauté.  Cet exemple démontre que le prêt-à-penser n’est pas adapté en matière de prise de décision et que celle-ci doit être nourrie par une fine compréhension du système de valeurs, des mécanismes de régulation des conflits, des modalités traditionnelles de concertation… du pays concerné. La culture n’est donc pas une valeur muette, mais l’expression vivante, l‘ADN d’un système de valeurs d’un peuple. A l’avenir, on prendra davantage en compte le facteur C dans le processus de prise de décision au lieu de copier-coller des décisions adaptées à certaines contrées mais inapplicables dans nos environnements.

Leçon 9 : Relocalisation, quelle place pour l’Afrique ?

La crise du Covid-19 a mis à nu la fragilité de notre système productif et de nos chaînes d’approvisionnement, trop habitués que nous étions en Afrique à compter sur l’usine du monde : la Chine. Mise à l’arrêt, du jour au lendemain et pour plusieurs mois, il a donc fallu «improviser» de nouvelles solutions, continuer à s’approvisionner, se procurer des médicaments, équipements et consommables indispensables pour contenir et gérer la situation sanitaire. Par ailleurs, le confinement de la majorité des travailleurs a considérablement perturbé le système productif et les chaînes d’approvisionnement pour des produits en tous genres sur lesquels la Chine a un avantage lié à ses faibles coûts de main-d’œuvre et à ses économies d’échelle. Même les pays «développés» ont été pris au dépourvu. Qui aurait cru la France ou l’Italie incapables de pourvoir aux masques indispensables pour leur personnel soignant et leur population? Pour pallier cette situation, plusieurs pays évoquent une révision de leur politique industrielle de manière à «relocaliser» sur leur territoire ou dans des pays limitrophes tout ou partie de leur chaîne de valeur jugée stratégique. L’Afrique a sa carte à jouer pour se repositionner dans les chaînes de valeur mondiales. En premier lieu, ce repositionnement lui permettra d’enclencher ou d’accélérer son industrialisation tant attendue et, en second lieu, cela préservera sa souveraineté industrielle sur des produits stratégiques. Enfin, relocaliser l’essentiel de la production en Afrique, c’est traduire en actes concrets la ZLEC tout en promouvant le Made in Africa. à ce stade de maturité des écosystèmes, l’Ethiopie, le Maroc, l’Egypte et l’Afrique du Sud  ont les meilleures prédispositions pour relever ce challenge dans le court, moyen terme. D’autres pays comme le Maroc se prennent à espérer de tirer parti de cette opportunité. Hélas, pour la majorité des pays africains, le ministère de l’Industrie est une coquille vide. Qu’on se le dise, mettre en place une politique industrielle comporte des préalables. Cela passe par la mise sur pied d’écosystèmes sectoriels tenant compte des dotations factorielles et mettant aux prises producteurs académiques, scientifiques, entrepreneurs, pouvoirs publics, apporteurs de capitaux, équipementiers, avocats… dans un esprit public-privé bien compris.  Si cette crise a eu le mérite de créer un déclic dans l’esprit de nos décideurs, alors elle aura été utile. Autrement, l’émergence du continent attendra.

Leçon 10 : Quand l’Afrique dessine ses propres voies d’avenir. Les pistes ?

Symboliquement, le Covid-19 semble comme un nouveau point de départ pour tous les pays du monde qui ont été affectés en même temps et les oblige à se réinventer. De même, les entreprises sont amenées à se renouveler, pour celles qui survivront du moins. Le désarroi, face à l’incertitude, a touché sans distinction pays riches comme pauvres, sur les cinq continents. En dépit de leur variété, quelques pistes se dessinent et permettront aux pays africains de mieux négocier le virage à venir, au regard des changements profonds et irréversibles qui s’annoncent. D’abord, il est essentiel que l’on produise ce que l’on consomme et que l’on consomme ce que l’on produit. Cela commande de redessiner nos politiques de développement en privilégiant une approche endogène, loin des prêt-à-penser importés, en adéquation avec nos systèmes de valeur. Puis, nous devons développer les complémentarités régionales à l’intérieur du continent en diversifiant nos offres de valeur pour stimuler les échanges. Enfin, nous devons massivement investir dans les industries de la vie qui ont un impact direct sur le quotidien des citoyens: santé, éducation, recherche et développement, développement durable, mobilité, connectivité. En tout état de cause, il nous faut admettre que le développement n’est jamais le résultat de dynamiques extérieures, mais le fruit de dynamiques du dedans portées par les forces vives d’un pays. Il n’y a pas dans l’histoire économique du monde un pays qui se soit développé à partir de pressions extérieures.