Le Sénégalais Boubacar Boris Diop vient de remporter le prestigieux Prix international de littérature Neustadt 2022. Le magazine littérature et de culture internationales de l’Université d’Oklahoma, World Literature Today l’a annoncé mardi 26 octobre 2021.
Daouda Mbaye
Un écrivain très respecté vient de remporter un Prix très respecté. Boubacar Boris Diop est désormais le 27ème lauréat du célèbre Prix international de littérature Neustadt. Décerné en alternance avec le Prix NSK Neustadt pour la littérature pour enfants et jeunes adultes, le Prix Neustadt reconnaît le mérite littéraire exceptionnel dans la littérature du monde entier. En effet, très respecté au sein de la communauté littéraire pour sa reconnaissance de l’excellence, ce Prix est souvent référencé comme le « Nobel américain » pour sa réputation de préparation à la sélection annuelle de l’Académie suédoise.
L’annonce du Prix Neustadt a été faite via Zoom, dans le cadre du Neustadt Lit Fest 2021. A noter que tout auteur vivant écrivant de n’importe où dans le monde est éligible pour le Prix Neustadt. Le jury est composé d’auteurs internationaux de renom, et ce fait aide à protéger le Prix de la pression externe des libraires, éditeurs et autres qui pourraient avoir intérêt à influencer le résultat. C’est le premier Prix littéraire international de cette envergure à avoir pour origine les États-Unis et est l’un des très rares Prix internationaux pour lesquels les poètes, les romanciers et les dramaturges sont également éligibles. Les gagnants reçoivent 50 000 $, une réplique d’une plume d’aigle moulée en argent et un certificat. Une dotation généreuse de la famille Neustadt de Dallas, Denver et Watertown, Massachusetts, assure le Prix à perpétuité.
Un précurseur resté fidèle à ses engagements
Boubacar Boris Diop, né en 1946, à Dakar au Sénégal, a d’abord enseigné la philosophie au Lycée Abdoulaye Sadji de Rufisque à 30 km au sud de la capitale sénégalaise. Déjà, il était adulé par ses élèves et pairs professeurs. Ensuite, il exercera quelques années comme professeur de littérature et de philosophie dans divers lycées à Dakar, avant d’être Conseiller technique au ministère de la Culture, puis de s’envoler pour l’Europe. Il se tourne ensuite vers le journalisme et collabore à divers journaux sénégalais, ainsi qu’au quotidien suisse Neue Zürcher Zeitung et au mensuel africain d’Analyses Afrique, Perspectives et Réalités (Paris). Il est l’auteur d’une œuvre importante constituée de nouvelles, de pièces de théâtre, de scénarios de films, mais surtout de romans qu’il écrit en wolof ou en français. En effet, il a pris conscience de l’importance de se réapproprier sa langue et sa culture (Wolof). Justement, il a inauguré un cours de littérature à l’Université Gaston-Berger de Saint-Louis (Ndar), au Sénégal, qui est entièrement enseigné en wolof. En 2016, il participe à un projet de collection, « Céytu », en collaboration avec les éditions Zulma (France) et Mémoire d´encrier (Québec) qui vise à publier l’essentiel de la littérature française en wolof.
Reconnu par ses pairs
Un séjour au Rwanda, après le génocide, marque un tournant important dans son travail et son parcours personnel. Dans le cadre de l’Opération Rwanda : Écrire pour le devoir de mémoire, lancée en 1998 avec plusieurs autres écrivains, il a écrit « Murambi, le livre des ossements ». Depuis, il parcourt le monde, de congrès en séminaires, « racontant » le drame du génocide pour qu’il ne se reproduise plus.
Avant cette distinction, il a reçu le Grand Prix de la République Sénégalaise en 1990 pour Les « Tambours de la mémoire », ainsi que le Prix Tropiques pour « Le Chevalier et son ombre ». la défunte écrivaine afro-américaine, Chloe Ardelia Wofford Morrison, communément appelée Toni Morrison, doublement primée au Pulitzer (1988) et au Nobel (1993), a qualifié son roman « Murambi : The Book of Bones » de « miracle ». Aussi, l’écrivaine et traductrice Jennifer Croft, qui a remporté Man Booker International Prize en 2018, pour sa traduction du polonais de Flights de la lauréate du Prix Nobel Olga Tokarczuk, a nominé Boris Diop pour le Prix Neustadt.
Dans ce même sillage, la Foire internationale du livre du Zimbabwe l’a classé parmi les 100 meilleurs livres africains du XXe siècle.