La rédaction a décrypté pour vous cette conférence du Pr Cheikh Anta Diop sur « L’apport de l’Afrique à la civilisation universelle », à Niamey au Niger, en 1984, mais d’une telle acuité que nous vous partageons son intervention. (Suite)

 Décryptée par Daouda Mbaye

Dès la fin du 4000ème millénaire avant Jésus-Christ, l’Afrique invente l’Écriture. Et à partir de -3 300, nous avons des documents écrits qui nous permettent de suivre l’évolution de l’Afrique dans la vallée du Nil. En -4236, l’Afrique invente déjà un calendrier sidéral, fondé sur le lever de Sirius, étoile la plus brillante du ciel, dans la constellation du Grand Chien. Les Égyptiens en -4236 avaient déjà remarqué que cette étoile se lève pratiquement en même temps que le soleil. Sous la latitude de Memphis, tous les 1460 ans. C’était la base de leur calendrier, un repère chronologique absolu pour ainsi dire. Imaginez un phénomène aussi fugace, le soleil qui se lève en même temps qu’une étoile… un phénomène qui ne dure qu’à peine quelques secondes, en tout cas moins d’une minute, et ne se reproduira plus avant 1460 ans. L’année suivante, si vous vous mettez sous cette même latitude et regardez l’étoile en question, alors vous constaterez qu’il y a un écart d’un quart de jour. La 2ème année, l’écart sera d’une demi-journée… et au bout de 4 ans, l’écart sera d’une journée. Par conséquent, dès -4236, les Égyptiens connaissaient l’année bissextile et pouvaient très bien, tous les 4 ans, ajouter au calendrier de 365 jours ¼, une journée. Mais au lieu de rectifier tous les 4 ans, ils ont préféré suivre l’évolution du phénomène pendant 1460 ans pour ajouter une année de plus. Et ce calendrier, les Égyptiens y tenaient à tel point que le Pharaon avait créé un service spécial pour suivre l’écart à travers le temps entre le calendrier sidéral et le calendrier ordinaire. Nous connaissons les levers héliaques qui jalonnent l’histoire égyptienne. Ceci pour montrer que l’Égypte est entrée dans l’histoire avec des connaissances astronomiques précises. Sur ce point, l’unanimité est presque faite chez les spécialistes. On sait que l’Égyptien connaissait une méthode de détermination des phases de la Lune qui n’ont rien à voir avec celles qui seront inventées ultérieurement.

« Et ce calendrier, les Égyptiens y tenaient à tel point que le Pharaon avait créé un service spécial pour suivre l’écart à travers le temps entre le calendrier sidéral et le calendrier ordinaire. Nous connaissons les levers héliaques qui jalonnent l’histoire égyptienne. »

Tandis que l’Égyptien avait maitrisé depuis la plus ancienne époque les mouvements du ciel, en Mésopotamie, les observations étaient extrêmement nombreuses et pertinentes. Quoi qu’on ait dit sur l’astronomie mésopotamienne – d’ailleurs il aurait été plus juste de parler de l’astrologie mésopotamienne, la Mésopotamie n’a jamais pu avoir un calendrier régulier digne de ce nom. Il y avait là-bas les éphémérides et que jusqu’à la fin de l’histoire mésopotamienne, le roi ajoutait quand l’écart était trop grand un 13ème ou un 14ème mois. Vers la Basse époque, on a été obligé d’inventer les éphémérides pour essayer de voir les périodes de levers de la lune.

Les inventions d’Imhotep sous le règne de Djoser

Dans le domaine scientifique, c’est déjà sous l’Ancien Empire sous Djoser en 2778, tous les éléments technologiques de la civilisation égyptienne étaient déjà en place. Qu’il s’agisse de la médecine, de la mathématique, de la géométrie, de l’algèbre ou la trigonométrie ou de l’architecture, tous les éléments technologiques de la civilisation égyptienne étaient déjà en place sous la 3ème dynastie. Je vous montrerai le pharaon de l’époque qui était un type africain affirmé. C’est sous ce pharaon que vivait le grand savant polyvalent que les Grecs avaient divinisé et qui s’appelle Imhotep.
On pense qu’Imhotep était à l’origine de la plupart des inventions du temps de Djoser. C’est de cette époque que date l’architecture en pierre de taille.
Concernant les mathématiques égyptiennes, il faut dire que la géométrie égyptienne était rigoureuse, par opposition à celle mésopotamienne. Nous avons un papyrus très connu, le papyrus Rhind où le scribe a recopié des textes remontant à l’ancien Empire. Il y a aussi le papyrus de Moscou où il y a des exercices mathématiques d’un très haut niveau qui donnent une idée précise des connaissances mathématiques que les Égyptiens avaient assimilées et qu’ils vont ensuite transmettre aux Grecs qui sont Thalès de Millet, Pythagore, Platon, Eudoxe et bien d’autres… et surtout Archimède.

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