Le commerce illicite du carburant entre le Bénin et le Nigeria fait perdre à l’Etat béninois, plus de 125 milliards F Cfa par an, selon l’économiste, Bio Goura Soulé, expert au Laboratoire d’analyses régionale et d’expertise sociale (Lares).
Ce commerce investi par une multitude d’acteurs utilisant des circuits divers, ne cesse de s’accroitre au fil des ans. De grandes barques motorisées déchargent, sur des berges de Cotonou et environs, des bidons jaunes et noirs, remplis de carburant, en provenance du Nigeria. Une fois le déchargement terminé, les grandes barques motorisées réembarquent les bidons vides aux mêmes couleurs pour reprendre la route du géant de l’Est. Ce spectacle est quotidien à Cotonou. Le commerce informel des produits pétroliers se pratique ainsi. Les barques, d’un nombre impressionnant, transportent, chacune, 300 à 600 bidons de 25 à 50 litres l’unité. Ils contiennent généralement de l’essence mais quelquefois du gasoil et du pétrole lampant. Sur le marché officiel, le litre d’essence est à 600 F CFA à la pompe. Or, sur le marché parallèle, le litre est vendu à 250 F CFA.
Selon l’économiste-expert au Laboratoire d’analyses régionale et d’expertise sociale (LARES), Bio Goura Soulé, « l’Etat perd environ cent vingt-cinq milliards F CFA par an, à cause du commerce illicite des produits pétroliers ». Ce qui représente 45% de la masse salariale du Bénin aujourd’hui.
Une enquête réalisée par le LARES fait constater qu’il y a environ 50.000 vendeurs de produits pétroliers dans l’informel, là où la fonction publique béninoise compte 78.000 agents. Du coup, les acteurs dans ce commerce constituent un poids social important pour l’Etat. Par exemple, dès qu’il y a un problème qui limite les approvisionnements du marché parallèle, une bonne partie de l’économie nationale est entièrement paralysée. Aujourd’hui, «près de 85% des besoins nationaux sont fournis par ce secteur», souligne l’économiste Bio Goura Soulé.
Les facteurs favorisants du trafic
Le commerce illicite du carburant a démarré dès le début des années 1980 au Bénin. Il va prendre une proportion importante avec la crise économique qui a secoué le pays courant 1988-1989 sous le régime marxiste léniniste. La pauvreté et le chômage qui en ont résulté, vont pousser de nombreux jeunes à se lancer dans le trafic illicite du carburant en provenance du Nigeria. Avec les arriérés de salaires qui s’accumulaient au fil des mois, beaucoup de ménages vont également se lancer dans ce commerce afin de joindre les deux bouts. Depuis lors, le marché parallèle du commerce de carburant ne cesse de se développer.
Malgré les multiples initiatives des autorités, depuis bientôt une décennie, la vente du carburant dans l’informel ne cesse de prospérer. Une enquête de l’Institut national de statistique et d’analyse économique (INSAE), réalisée en 2005, révèle que même les institutions et structures étatiques s’approvisionnent dans le secteur informel pour leur besoin en carburant. Et ceci, en raison de 72,7% de leurs dépenses en carburant. Plusieurs raisons expliquent également l’avènement et l’expansion de la commercialisation du carburant dans l’informel.
Il y a aussi le positionnement géographique du Bénin qui partage avec le Nigeria, 750 km de frontière sur toute sa longueur orientale. A cela, il faut ajouter le peuplement ayant favorisé l’épanouissement de nombreuses places commerciales frontalières qui fonctionnent comme des marchés jumeaux, animant l’essentiel des transactions entre les deux pays. Il y a ensuite la disparité des prix des produits pétro liers entre le Bénin et le Nigeria d’une part et, le marché officiel de l’essence et le marché parallèle au Bénin d’autre part.
La disparité des prix entre le Bénin et le Nigeria, due d’abord à la différence de politiques économiques entre les deux pays (forte subvention au Nigeria), favorise le développement des échanges frontaliers et l’intensification des flux illicites des produits pétroliers. En effet, selon les conclusions de l’enquête du LARES, l’écart entre les prix pratiqués au Bénin et au Nigeria est conséquent surtout depuis la fin des années 1980.
Cette différence de prix a provoqué une forte affluence des commerçants béninois vers la zone frontalière et, les Nigérians ont rapidement compris le profit qu’ils peuvent tirer de cette situation. Cette différence de prix entre les deux pays s’explique aussi par le fait que le géant de l’Est est un grand producteur de pétrole, le 12e au plan mondial et le 6e de l’Organisation des pays exportateurs du pétrole (OPEP).
Par ailleurs, la disparité des prix de l’essence entre le Bénin et le Nigeria est renforcée par la dépréciation fréquente du Naira, la monnaie non convertible du géant de l’Est. Au Bénin, la production du pétrole brut commencée en 1982 a connu un coup d’arrêt en 1998, avec le tarissement du champ pétrolier. Actuellement, plusieurs firmes pétrolières envahissent le Bénin et le nourrissent d’espoirs, pour le moment vains.