Après « Sur les pas de Sidi Ahmed Tijani, voyage dans sa zaouia aux quatre coins du monde », en 2015, l’Architecte DENA, chercheure en soufisme et patrimoine spirituel, et non moins écrivaine, Yasmina Sbihi vient de publier « Sacrées femmes. Sur les pas des saintes du Maroc », paru aux Editions La Croisée des Chemins., dans la Collection Keyna.
Boubker El Badri
Une nouvelle touche de l’approche du Féminin dans le discours soufi, voilà le fil conducteur du dernier livre du Pr Yasmina Sbihi. L’architecte, enseignante à l’École Nationale d’Architecture de Rabat et à l’Université Euro-Méditerranéenne de Fès, adepte de la tarikha soufie Tijania, a choisi le mois sacré du Ramadan pour présenter et dédicacer, vendredi 22 avril 2022, à la Libraire Carrefour des livres de Casablanca, son dernier livre-témoignages « Sacrées femmes. Sur les pas des saintes du Maroc », paru aux Editions La Croisée des Chemins.
L’auteure vient combler un vide. Elle précise que c’est un devoir de mémoire, dans la mesure où, il y a cette histoire des femmes qu’on ne nous raconte pas ainsi que la transmission d’un legs sacré. Du Souss, au sud du Maroc, ou le projet a été initié, à Rabat et Chaouen, en remontant jusqu’à Fès, passant par Marrakech, elle réhabilite plus de 99 noms de femmes, certaines connues, d’autres moins ou pas.
Au-delà de la marocaine, toutes les femmes du monde
Dans cet ouvrage, dédié à la femme marocaine, mais aussi à toutes les femmes du monde, Yasmina Sbihi n’a pas occulté les saintes en Islam dont elle parle d’abord. Parmi celles-ci, les mères et épouses de prophètes, citées dans le Coran, celles qui ont côtoyé notre Prophète (PSL) et ses descendantes. Elle s’est ensuite appesantie sur ses héritières spirituelles, comme l’icône Rabea al-Basriya, qui seront reconnues pour leur sainteté, par la lignée, par l’expérience extatique et par l’ascèse. Elles seront identifiées pour leur savoir, par leurs qualités humaines ainsi que leurs prodiges, et leur renommée se bâtira selon leurs parcours spirituels. Elles ont fondé des zaouias et des médersas (écoles traditionnelles) ou se sont consacrées au service de la communauté. « Leur sainteté est dans notre patrimoine une inscription sociale autant qu’une référence mystique », affirme-t-elle.
Bahaa Trabelsi, Directrice de la Collection Kayna, ne s’y est pas trompée. Dans un vibrant plaidoyer, elle a rappelé que « Les femmes ont osé, et osent de plus en plus, exister pleinement dans le monde, notamment en prenant le contrôle de leurs corps, en développant leurs connaissances et en les mettant au service des sociétés à travers les âges. Au Maghreb, nombreuses sont les femmes militantes et ce, bien avant les colonisations comme Fatima El Fihri à Fès, fondatrice de l’Université de la Qaraouiyine, plus ancienne université du monde, Aziza Othmana en Tunisie qui a légué une oeuvre encore célèbre, Djamila Bouhired qui fait partie des six femmes « condamnées à mort pour des actes terroristes », pendant la guerre d’indépendance… Sans oublier toutes ces femmes qui ont vécu l’occupation coloniale, celles qui ont activement participé à la résistance et à l’indépendance de leurs pays. »
De la réhabilitation de la place de la femme dans la société
Justement, la Directrice de la collection Kayna ajoutera : « Les femmes sont là, présentes, solidaires, vigilantes et en force dans les trois pays du Maghreb. Elles sont aussi menacées au niveau de leurs droits par la montée de l’islamisme radical. Mais avant tout elles existent, d’où le titre de cette nouvelle collection Kayna, dédiée aux écrits de femmes du Maghreb, et qui signifie : Elle existe »
L’autre volet du livre a trait à la réhabilitation de la place de la femme dans la société. L’auteure souligne que c’est une réponse aux stigmatisations du radicalisme religieux, avec humilité et conviction, grâce à la spiritualité. « C’est un voyage dans le temps et dans l’espace qui honore la mémoire des saintes femmes du Maroc : parcours de vie, enseignements, prodiges et symboles, principalement dans le Souss et Fès, axe représentant l’unité spirituelle du pays dans sa diversité culturelle », renchérit-elle.
Histoires contées de saintes femmes
Dans sa présentation de l’ouvrage Dr Driss Fassi Fihri, Imam et Vice-président de la Qaraouiyine, revient sur les prodiges spirituels féminins et le précieux apport d’un tel travail. Il s’est ainsi exprimé : « … si l’on se penche sur la symbolique soufie la plus épurée, comme dans le Cantique des oiseaux de Attar, nous verrons qu’il se focalise sur un personnage féminin ‘Anq.’ (Phénix) qui se retrouve au sommet de la pyramide de l’autorité soufie, qui gouverne les différentes stations et états spirituels, porteuse de la sagesse suprême, qui n’est en fin de compte rien d’autre que le pouvoir de l’Amour. C’est pour cette raison que l’approche symbolique du Féminin dans le discours soufi est, en fait, le schéma directeur de cet ouvrage, à travers les différents noms et histoires contées des saintes femmes, du Souss et de Fès en particulier, dans lesquelles la charge symbolique est intimement liée à leurs propos et prodiges qui caractérisent leurs empreintes respectives. Voici donc la présentation qu’il convenait d’offrir à cet ouvrage, en vous souhaitant une immersion fructueuse parmi les perles cueillies par la sensibilité de l’auteur et les images particulières captées par sa caméra. »
Sacrées Femmes est un précieux témoignage qui enseigne, mais aussi peut être perçu comme un hymne à l’unité nationale matérialisée par son axe spirituel du nord au sud du royaume, à travers l’histoire de la sainteté au féminin.