Convoqué par Emmanuel Macron, président français, et rehaussé par la présence d’une quinzaine de chefs d’État et de gouvernement d’Afrique au sud du Sahara, croissance, dette et économie sont à l’ordre du Sommet qui se tient à Paris ce mardi 18 mai 2021. Une rencontre, qui ambitionne de venir à la rescousse d’économies africaines marquées par la pandémie Covid-19, précisera un peu plus la nouvelle politique africaine de la France.
Daouda Mbaye
L’Afrique sera développée par les Africains, plus particulièrement par un secteur privé africain fort. La France pourra-t-elle réussir là où l’Allemagne a reçu une réponse très mitigée ? Rappelez-vous le Plan Merkel de 2017, rapidement baptisé Plan Marshall africain (plusieurs milliards d’euros et une stimulation du secteur privé africain), afin de développer le continent africain et basé sur 3 piliers principaux. Le premier reposait sur l’activité économique, les échanges et l’emploi, le deuxième sur la paix, la sécurité et la stabilité, tandis que le troisième mettait l’accent sur la démocratie et l’État de droit, avec à la clé une mise en œuvre universelle de la Charte africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance, et de la Charte des Nations unies sur la corruption. S’il comptait quelques résultats concrets, notamment la simplification de l’accès aux services de financement agricole, le financement dans les domaines de l’énergie, des infrastructures, de l’éducation et de la santé, il n’en demeure pas moins que ce plan a été critiqué. Si d’aucuns ont avancé que l’Afrique n’était pas à reconstruire comme l’Europe de l’après-guerre, d’autres ont craint une mainmise de pays riches sur l’Afrique. Quant au président français, il était défavorable à l’initiative. De son avis, le défi africain est plutôt d’ordre civilisationnel. Les quelque quinze chefs d’État d’Afrique, qui se pressent à Paris, ont peut-être la mémoire courte. Il est vrai que le Club des bailleurs publics y élit domicile et que la pandémie a remis en selle l’État-entrepreneur, mais qu’attendre de la France et quelles contreparties lui octroyer ? En 2020, le déficit public français s’est établi à 211,5 milliards d’euros (budgets de plusieurs États africains réunis), soit 9,2 % du PIB. Quant à la dette des administrations publiques au sens de Maastricht, elle a atteint 115,7 % à fin 2020.
Afrique, dindon de la farce ?
Certes la veille, lundi 17 mai, entouré de partenaires, de ses pairs africains, européens et du Golfe, Emmanuel Macron a décidé de venir en « aide » au Soudan, après la révolution qui a chassé Omar El Béchir du pouvoir, il y a 2 ans de cela, et promis d’effacer une dette de 5 milliards €, pour « permettre le retour de ce pays dans le concert des nations », selon ses propos. L’Allemagne a promis d’annuler 360 millions €. Ces deux pays s’engagent aussi à aider le Soudan à solder son passif au FMI, avec un apport respectif de 90 millions € pour le second et 1,5 milliard € pour le premier. Les membres du Club de Paris devraient s’inscrire dans ce sillage. Les observateurs trouvent que ce processus devrait ouvrir la voie à des investissements dans les secteurs des infrastructures et autres utilités, de l’énergie, des minéraux ou encore du secteur primaire. Bruno le Maire, ministre français de l’Économie, s’adressant au patronat, a été on ne peut plus clair : « Nous nous occupons de la dette… Vous pouvez désormais investir au Soudan ».
Dans un continent riche de ses ressources naturelles (RDC, RCA, Soudan, Guinée, Mali, Sénégal, Nigéria…) et d’un capital humain qui ne demande qu’à être formé, un tel processus de financement va-t-il apporter de la plus-value aux compagnies transnationales ou un mieux-être aux populations ? Plus de 60 ans après les indépendances, au lieu d’aller de mal en pis, il serait grand temps de pratiquer un développement inclusif. C’est tout ce qu’il faut attendre d’un tel sommet. Quoi qu’il en soit, Tidjane Thiam, PCA du Rwanda Finance Ltd, résume les attentes de la rencontre et table sur le secteur privé africain, soutenant : « Dans la lutte contre la crise Covid-19, les Africains ne demandent pas de faveur ».