Le 23 juillet 2016, il y a presque 5 ans, jour pour jour, nous quittait le footballeur sénégalais Baba Touré. Cet ancien international des années 80 et sociétaire de la Jeanne d’Arc de Dakar, au pied gauche magique, un talent pur dans le sport roi en Afrique, reste encore dans les cœurs des passionnés du ballon rond qui unissent leurs oraisons et plaident pour sa réhabilitation.

Baba Touré est parti très discrètement alors qu’il était âgé à peine de 57 ans. Celui qui galvanisait les foules, d’abord dans des terrains à peine clôturés de Fatick dans les divisions inférieures et les championnats Nawetaan (grandes vacances scolaires), puis dans de grands stades au Sénégal sous les couleurs de la JA de Dakar ou des Lions du Sénégal, a rendu l’âme surprenant tout le monde du sport sénégalais et africain. Djamil Faye, président du Guédiawaye FC, qui avait annoncé la triste nouvelle, rappela qu’il venait de prendre part à la soirée de gala (de 19h30 à 22h30) de ce club de football où il était chargé de la préformation. Surtout, il nota que Baba Touré, alias Kempes, est rentré chez lui à pied et ne montrait aucun signe de maladie. Ce grand monsieur du football sénégalais décèdera quelques instants plus tard après s’être effondré chez lui !

Extrêmement doué, Baba Touré, numéro 10 des bleu et blanc de la JA de Dakar, a entamé sa carrière dans les équipes des quartiers. Le natif du Grand Dakar, quartier de la banlieue de Dakar et creuset de plusieurs talents dont Alioune Ndiaye (Cheval Fou), Amady Thiam, Alpha Touré… était un surdoué du football. Sa famille emménagera à Pikine, autre quartier de la grande banlieue de Dakar, d’où son rapprochement au Guédiawaye FC. À Fatick, agroville située à environ 200 km de la capitale sénégalaise, il fera feu des quatre pieds. Justement, il sera très vite repéré par les dirigeants de l’AS JA de Dakar qui seront à ses petits soins.

Avec la JA et le Sénégal, il eut un certain nombre de satisfactions. À son palmarès, une Coupe du Sénégal en 1980 contre le Casa Sports. Il fut auteur de l’unique but de cette partie. Avec les Lions du Sénégal, il participera à la Coupe d’Afrique des Nations…

Un don du ciel

Tous les observateurs se sont accordés à dire qu’il fait partie des meilleurs footballeurs du Sénégal de tous les temps. Il a laissé à la postérité des phases de football qui ont porté sa propre marque, notamment des dribles déroutants, une vision de jeu exceptionnelle, une transformation de coups francs et de balles arrêtées sans commune mesure avec les autres. Le tout aussi célèbre et grand footballeur Moussa Ndaw (un de ses meilleurs amis) partage avec lui ces corners tirés directement dans le but… Baba Touré avait une facilité sans égale avec le ballon. Il en faisait ce qu‘il voulait, à telle enseigne que le public ne lui concédait aucune erreur. Une fois au Stade Demba Diop, il rata un pénalty… Quelques instants plus tard, il marqua un but d’anthologie des 35, voire 40 m, sur coup franc et laissa le public ébahi. Le célèbre reporter sportif Abdoulaye Diaw ne cessait de dire que c’est le football qui aime Baba Touré, mais que lui n’aimait pas le football…

Etre jaloux de son pain béni

Si à la fin de sa vie Baba s’est occupé des tout jeunes, c’est hautement significatif ! Ce grand monsieur du football était le mieux placé pour signifier à une jeunesse pétrie de talents que le talent à lui seul ne suffit pas ! Il fallait du coaching, de bonnes bases et surtout beaucoup de travail ! Ce Kempes sénégalais- on aurait dû lui donner le sobriquet de Pelé d’ailleurs – était certes un grand travailleur, mais manquait d’encadrement à la hauteur de son talent pour son jaillissement au niveau international ! Quand il était au sommet de sa gloire, il ne prenait pas trop au sérieux le football, tant les dirigeants étaient à ses pieds pour ses menus desiderata. Aussi, voici un monsieur qui jouait pour le plaisir, d’abord le sien, ensuite pour les autres grâce à sa grande générosité ! Baba Touré voulait faire plaisir à tout le monde, y compris à ses adversaires qu’il ne compta jamais humilier.

Repose en paix, virtuose ! Que la Terre du Sénégal et d’Afrique te soit légère !

De son vécu, s’il y a une leçon à tirer, c’est de couver, préserver et tout faire pour l’éclosion de talents exceptionnels. Il faut rester conscient que la Nature ne nous en gratifie que parcimonieusement ! Au Sénégal, il faudra être jaloux de son pain béni.