La Sénégalaise Yaye Souadou Fall, fondatrice de E-Cover, a remporté le deuxième prix dénommé «First Runner Up Environmental 2016» lors du Prix Anzisha 2016 qui regroupait 550 entrepreneurs issus de 32 pays du continent, grâce à son projet axé sur le recyclage des pneus. La première distinction dans cette compétition pour un ressortissant de ce pays. Dans cet entretien, elle revient bien évidemment sur cette récompense, les grands axes de son projet, et décline ses principaux objectifs pour les deux prochaines années.
Vous avez lancé, en avril 2015, le projet «E-Cover». En quoi consiste-t-il concrètement ?
E-Cover vise à résoudre le problème de la gestion des déchets en remontant le cycle de manière écologique afin de créer des ressources commercialisables. Avec comme point de départ le recyclage des pneus en semelles de chaussures, carreaux et revêtement de sol pour les lieux extérieurs tels que la cour, les salles, les terrains de sport, les terrasses et même (plus tard) les routes.
Pourquoi avoir opté pour le recyclage des pneus ?
Depuis avril 2015, mon équipe et moi travaillons sur ce projet qui est né d’une observation. À Dakar (Sénégal), il est difficile de marcher d’une rue à une autre sans voir des pneus usés par-ci par-là. Mbeubeuss, une décharge en plein air à Dakar, notre capitale, avec une population de plus de 2.000 personnes. Parmi eux, des hommes, des femmes, des adolescents, des enfants et des personnes âgées, exposés à tous les types de fumées et de saletés tous les jours et vivant dans des conditions très alarmantes. Il y a des options si limitées pour eux qu’ils sont obligés de chercher des moyens de tirer profit de choses comme les déchets de pneus qu’ils brûlent afin d’extraire le fer et l’acier qu’ils contiennent et les vendre. Ils sont exposés à des maladies comme la pneumonie, la mycose, le cancer, etc., et la population vivant autour de cette décharge a plus d’une fois exprimé des plaintes.
E-Cover est une start-up qui propose une solution qui aidera les populations de Mbeubeuss et d’autres personnes à travers le Sénégal et l’Afrique à trouver un moyen de recycler tous les types de déchets afin d’avoir des applications utiles.
Quelle est la valeur ajoutée de vos produits ?
Nous proposons des carreaux flexibles, antidérapants, résistants à l’eau et au feu, personnalisables, thérapeutiques, étanches et amovibles pour les entreprises, les particuliers, les conseils, les centres sportifs et les écoles. Par rapport aux produits communément utilisés (carreaux et revêtements de sol habituels), nos carreaux, grâce à leurs propriétés, offrent sécurité, esthétique, gain de temps, le sentiment d’aider l’environnement, une activité de bricolage par leur installation qui peut être auto-réalisée et la possibilité d’avoir un produit exclusif conçu pour nos clients.
Quelles sont vos cibles ?
Nos cibles pour les carreaux en caoutchouc et les revêtements de sol sont les centres sportifs, les stades, les écoles, les mairies, les entreprises et les particuliers. Nous nous faisons recommander à nos cibles par nos prescripteurs : architectes, génie civil, carreleurs et ouvriers de la construction.
Votre offre de service séduit-elle les consommateurs sénégalais ?
Oui, car nous avons des consommateurs sénégalais intéressés, mais nous ne sommes pas en mesure de solder la demande à cause de notre faible capacité de production qui est jusqu’aujourd’hui manuelle.
Quelles sont les difficultés majeures qui entravent votre activité ?
Après avoir remarqué le problème de pollution et de gestion des déchets au Sénégal, nous avons été inspirés pour commencer notre action avec le recyclage des déchets de pneus comme ils jonchaient les rues de notre capitale Dakar.
Nous avons fait beaucoup de recherches et avons trouvé un moyen de les recycler en tuiles de caoutchouc. Nos débuts n’ont pas été faciles parce que l’équipe de base était entièrement composée d’étudiants qui n’avaient aucune compétence dans ce domaine spécifique. Grâce à notre très cher ami Google, nous avons été en mesure de nous mettre dans la peau du projet pour s’adapter aux exigences du projet. Et avec persévérance, nous avons pu obtenir nos premiers échantillons entièrement faits à la main. Nous broyons des pneus avec des hachoirs. Notre capacité de production est autour de 2 à 3 carreaux par mois. On n’achète pas un seul carreau, mais des dizaines ou des centaines à la fois pour couvrir un sol. C’est pourquoi, ayant reconnu notre besoin de fonds, nous essayons tous les moyens possibles pour en obtenir. Dans notre recherche de fonds, nous avons essayé le Crowdfunding, les banques, les fonds de financements mis en place par l’État et les compétitions. Et nous menons toujours cette lutte acharnée pour lever des fonds.
Votre start-up a récemment remporté le deuxième prix dénommé «First Runner Up Environmental 2016» lors du Prix Anzisha 2016 qui regroupait 550 entrepreneurs issus de 32 pays du continent. Comment avez-vous accueilli cette distinction ?
Nous sommes extrêmement heureux d’avoir remporté ce prix. Cela représente beaucoup pour moi en tant que jeune femme africaine francophone représentant le Sénégal pour la première fois. J’ai été tellement surprise par tous les messages de tant de jeunes qui ont été inspirés par mon voyage et l’espoir que j’ai planté dans leur cœur. Anzisha est le premier prix à avoir cru en nous, jeunes africains que nous sommes. Pour toute la jeunesse, le fait de gagner ce prix leur a montré que c’était possible et qu’avec le travail et la persévérance, un jour, leur rêve pouvait devenir réalité. En tant que jeune entrepreneure, j’ai beaucoup de connaissances et d’expériences à acquérir. Gagner de l’argent, c’est bien, mais sans une excellente stratégie derrière, c’est inutile.
Quels sont vos principaux objectifs pour les deux prochaines années ?
Nos principaux objectifs pour les deux prochaines années sont la mise en place de notre gamme de produits à base de pneus et les tests pour éprouver le côté commercial du concept.