Alors que le débat était ouvert, jeudi dernier à l’assemblée nationale, afin que les députés se prononcent relativement à la motion de censure du gouvernement, déposée par la coalition de l’opposition Yewwi-Askan Wi (Libérez le peuple), le député Mamadou Farba Ngom de la coalition Benno Bokk Yakar, au pouvoir, a jeté un pavé dans la mare.

Par Daouda Mbaye, Journaliste

Mais que reste-t-il donc de la République ? Ma question est d’autant plus légitime quand, du haut de la tribune de l’assemblée nationale, le député-maire d’Agname (Nord du Sénégal), Mamadou Farba Ngom, appartenant à la coalition au pouvoir Benno Bokk Yaakar (Union pour un futur commun), a osé toiser le peuple sénégalais dans son entièreté, en rabrouant son homologue députée Aminata Touré, ex-Premier ministre et ex-Présidente du CESE (Conseil économique, social et environnemental). Rappelons que celle, qui fut chef de file de la coalition Benno Bokk Yaakar, mais a claqué la porte dès son exclusion de la liste des candidats à la présidence du perchoir et venait d’exprimer son intention de voter la motion de censure, confirme son opposition à une 3ème candidature de Macky Sall, Président du Sénégal, en 2024, conformément à l’article 27 de la Constitution, « Nul ne peut exercer plus de 2 mandats consécutifs ». Pour prouver qu’Aminata Touré ne peut se targuer d’une posture de donneuse de leçons, dès sa prise de parole, Mamadou Farba Ngom n’a pas trouvé mieux que de lui relater, en des mots à peine feutrés, l’objet de sa « visite », après un Conseil des ministres, en tant qu’émissaire, pour lui remettre un paquet- nous avons tous compris une mallette d’argent… Il a ajouté qu’il assume et est prêt à ester en justice !

La rançon de l’impunité
De tout évidence, ce député, qui se glorifie d’être le griot (flatteur) du président Macky Sall, dont le fils aurait délesté chez lui de 250 millions f CFA en liquide (375 000 €), juste avant la Covid-19, et, plus récemment, un chauffeur aurait volé près d’un milliard de f CFA (1 500 000 €) en espèces (coupures de devises fortes €, $) et f CFA, se croit au dessus des lois du Sénégal. Face à la longue série de scandales financiers impunis, depuis l’accession du pouvoir en place en 2012 qui avait « vendu » à la population une gestion sobre et vertueuse, Farba Ngom se dit loin d’être téméraire. Le premier magistrat du pays, Macky Sall, qui pourtant annonçait, au lendemain de son élection en 2012, que si la CREI (Cour de répression de l’enrichissement illicite) était pour le pouvoir déchu de Me Wade, l’OFNAC (Office national de lutte contre la fraude et la corruption) leur était destiné, a néanmoins avoué mettre son coude sur certains dossiers présumés de détournements de deniers publics. En effet, des autorités, épinglées par des corps de contrôle, tels que la Cour des Comptes, l’OFNAC, l’IGE (Inspection générale de l’Etat), ont même été promues et nommées ministres, directeurs généraux d’agences ou structures étatiques prestigieuses.

Des crimes scandaleux
Gageons qu’après la sortie de ce député qui se croit tout permis dans une république qui figure parmi les PPTE (Pays pauvres très endettés), qui ne cumule pas plus de 200 km d’autoroutes, dispose d’à peine une trentaine de km de chemin de fer électrique, où subsistent des salles de classe sous abris provisoires- vous avez bien lu- aucune suite ne sera donnée à cette offense à l’Etat du Sénégal et à ses populations. A titre comparatif, le Maroc a réalisé par moments, 180 km d’autoroutes par an, et plus de 200 000 logements sociaux par an. Figurez-vous que Sanna Marin, Premier Ministre de Finlande, a dû se justifier pour des petits déjeuners, jugés un peu forts ! Elle se faisait rembourser à hauteur de 300 € par mois pour ses repas en famille, c’est environ 180 000 f CFA.

En quête d’une crédibilité perdue
Ironie de l’histoire, toute cette tentative d’institutionnalisation de la corruption et de la concussion, au plus haut sommet de l’Etat, l’assemblée nationale étant la seconde institution du Sénégal, se passe au moment où le projet de loi de finances a été voté, de la Déclaration de politique générale du gouvernement. A noter que la motion de censure, certes rejetée pour avoir recueilli 55 votes sur 165, visait entre autres desseins le rétablissement de la crédibilité de l’institution parlementaire, même si la polémique butait entre le caractère facultatif et obligatoire de la sollicitation au vote de confiance des députés.

Vivement qu’un vent de changement, qui apporte une réelle gestion vertueuse des deniers publics, le bénéfice des ressources aux populations, à même d’asseoir un développement inclusif, souffle sur le Sénégal.

Comme si cela ne suffisait pas, le dernier rapport de la chambre des affaires budgétaires et financières de la Cour des Comptes du Sénégal, relatif au contrôle de la gestion du fonds de riposte et de solidarité contre les effets de la Covid-19 (Force Covid) vient de soulever un tollé ! Le projet de loi de règlement de 2020 fait ressortir 773,214 milliards f CFA, dont 651,006 mrds f CFA provenant des partenaires, 102,25 mrds f CFA de l’Etat et 19,958 mrds f CFA de l’élan de solidarité des sénégalais et résidents, sur 1 000 mrds f CFA annoncés. Outre des cas de renchérissement des coûts d’acquisition de matériels et équipements médicaux, le gré à gré a enrichi exagérément des prestataires, tels que la même et unique propriétaire de sociétés dénommées Al Nabiyou Voyages, Medina Sarl, NKG ou Sonabi. Celle-ci a bénéficié de 17 marchés pour un montant de 15 578 132 877 f CFA- tenez-vous bien ! – pour livrer du matériel médical et des équipements de protection individuelle au ministère de la Santé et de l’action sociale.

En dépit des préventions de leaders politiques ou de membres de la société civile, la gestion des fonds Force Covid se révèle un énorme fiasco ! Sans conteste des enquêtes parlementaires seront diligentées pour apporter de la lumière sur des manquements qui auraient pu être évités. Ne serait-ce que sur l’acquisition de denrées de première nécessité, au lieu de mobiliser toute un arsenal logistique, une plateforme numérique aurait permis un transfert de fonds vers les bénéficiaires, etc.