Les sénégalais sont sortis voter, dimanche 31 juillet 2022, pour élire les 165 députés de la 14ème législature, dont 15 pour la diaspora. En dépit du timing d’une campagne coïncidant à la fête de la Tabaski, dans un pays à forte majorité musulmane, et d’un scrutin qui s’est déroulé en plein hivernage (saison des pluies), les premières tendances font état d’un vote-sanction du peuple.

Daouda Mbaye, rédacteur en chef

Réunis au sein de l’intercoalition politique Yewwi Askan Wi- Wallu Sénégal, l’opposition sénégalaise ou du moins ce qui en constitue l’essentiel est en passe de faire vivre au Sénégal, sa première expérience de cohabitation politique. Au soir des élections législatives du dimanche 31 juillet 2022, dans les grandes villes et départements, telles que Dakar, Rufisque, Ndar (Saint-Louis), Ziguinchor, Thiès, Touba, Mbacké… cette opposition a fait une véritable razzia. D’ailleurs, les maires de Dakar, Barthélémy Dias, de Guédiawaye, Ahmed Aïdara, de Ziguinchor, Ousmane Sonko, pour ne citer que ceux-ci ont rapidement paradé à travers les villes de leurs villes respectives et jubilé avec leurs partisans et sympathisants.
Cette même tendance a été constatée un peu partout au niveau de la diaspora. A noter que cette 15ème région du Sénégal compte 15 députés, à raison de 7 pour l’Afrique (3 pour l’ouest, 2 pour le centre, 1 pour l’Afrique australe et 1 pour l’Afrique du nord), 6 pour l’Europe (2 pour chacune des zones ouest, centre & nord, et sud), et 1 pour chacune des zones Amérique & Océanie, et Asie & Moyen Orient. Compte tenu du décalage horaire, les représentants de l’intercoalition ont en effet exulté à Paris. Au Maroc, dans les 22 bureaux de vote, Yewwi Askan Wi (YAW) a remporté 1 372 voix sur 1 849 bulletins exprimés, soit 74,20%. La coalition au pouvoir Benno Bokk Yakar (BBY) suit loin derrière, avec 353 voix, à peine 19%.

Le hold up électoral
En dépit de tendances lourdes, la coalition BBY au pouvoir a tenu un point de presse vers 00h30 pour proclamer, par la voix de sa tête de liste Aminata Touré, la victoire. Elle a soutenu qu’en raison de procès-verbaux en leur possession, BBY est vainqueur dans 30 départements, citant des départements au Sénégal ou dans la diaspora où l’opposition YAW-Wallu est arrivée en tête élections. Il est vrai que les législatives au Sénégal ont la particularité d’être un scrutin mix, uninominal à un tour dans les départements et proportionnel sur la liste nationale. Néanmoins, les écarts qui ressortent des premiers résultats sont si importants que cette déclaration a été suivie d’un tollé. On peut préciser qu’en dépit de moyens colossaux dont dispose le pouvoir, l’auteure de cette déclaration, Aminata Touré (Mimi), tête de liste de la coalition au pouvoir, aurait été battue dans son propre bureau de votes à Kaolack. Le jeune frère du président de la république, Alioune Sall, a été battu à Guédiawaye. Même son de cloche à Ndar (Saint-Louis), où le beau-frère du président Mansour Faye, a été laminé par YAW, ou encore à Pikine, où l’oncle du Président Abdoulaye Timbo a été vaincu. Barthélémy Dias, Maire de Dakar, ainsi que d’autres membres de la conférence des leaders de la coalition YAW, n’ont pas tardé à sortir après cette déclaration pour refuser toute éventuelle confiscation du vote des sénégalais.
Dans un point de presse, tenu le 1er août 2022, l’opposition YAW-Wallu a tenu à partager les résultats compilés des procès-verbaux et énumérer leurs députés acquis, à savoir 7 à Dakar, 2 à Rufisque, 2 à Keur Massar, 5 à Pikine, 2 à Guédiawaye, 4 à Thiès, 2 à Tivaouane, 2 à Bignona, 2 à Ziguinchor, 1 à Oussouye, 2 à Kébémer, 2 à Bambey, 5 à Mbacké, 2 à Ndar (Saint-Louis), 2 à Sédhiou, 1 à Saraya, 2 à Goudomp, 1 en Afrique du Nord, 1 en Afrique australe, 6 sur Europe, 1 en Amérique-Océanie et 1 en Asie-Moyen Orient. Au total, cela fait 55 députés sur les 112 à élire sur les listes départementales. En extrapolant sur la proportionnelle de la partie nationale, Déthié Fall, mandataire de YAW, table sur 28 députés au moins sur les 53 que compte cette liste, soit 83 députés sur un total de 165.  Faites le rapport… La route vers la cohabitation semble toute tracée. YAW-Wallu a remporté le scrutin dans les zones à forte démographie.

Malgré les couacs et imperfections …
Ces derniers sont sortis, malgré la pluie, les intimidations, notamment provenant de nervis armés de pistolets et fusils à Guédiawaye, dans des utilitaires L200 remplis de cailloux à Touba, des bus remplis de votants à transférer en Casamance, à Yembeul dans la Banlieue… autant de tentatives, bloquées et combattues par des citoyens déterminés.
Il faut souligner que cette campagne de l’intercoalition YAW-Wallu a revêtu un cachet particulier. Pendant toutes les processions qui ont traversé tout le pays, l’accueil a été populaire. Des sénégalais convaincu du discours et programme de cette opposition, sont allés jusqu’à offrir des billets de banque, des livres saints, voire des denrées, pour signifier leur participation aux débours d’une opposition, jugée doublement lésée. Pour la petite histoire, Ousmane Sonko, initialement tête de liste de l’intercoalition, est un inspecteur des impôts dont la probité est en train d’être légendaire. Pourtant, il a été radié par le président de la république… pour avoir dénoncer la concussion et la gabegie au sommet de l’Etat. En outre, fait inédit, pour ce scrutin législatif, la liste nationale de YAW a été bannie par le Conseil constitutionnel ! Il se trouve que c’est une liste de Suppléants qui est sur le point d’affliger une sévère défaite à la coalition au pouvoir. Pour éviter des affrontements, YAW a décidé d’aller aux urnes. Ce caractère républicain n’est pas passé inaperçu auprès du citoyen lambda au Sénégal.
Espérons que la CENA (Commission électorale nationale), logée au sein du ministère de l’Intérieur, qui organise les élections, fasse preuve de neutralité et proclame des résultats conformes aux votes des sénégalais. Les observateurs qui l’annoncent, font allusion à une récente réunion entre Antoine Diome, ministre de l’Intérieur, et les gouverneurs, préfets et autres sous-préfets, dans un pays où les consignes de vote et les achats de conscience perdurent en dehors de textes de lois coercitifs !